Entretien avec Grégory Dijon
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G : Alors, est-ce que tu veux que je te fasse un topo ?
Tu me dis ce qui est intéressant pour toi ou pas ; et après, on enregistre si tu veux.
Enfin, je ne sais pas. Est-ce que tu veux que je te parle de la machinerie ici ? Ou je te restitue dans un contexte un peu plus général ?
A : D'abord ici (sur les passerelles qui donnent accès aux cintres).
Ici, comment ça fonctionne ici.
Qu'est-ce que c'est les cintres ?
G : Oui. Alors, ce qu'on appelle les cintres, c'est aujourd'hui, dans un théâtre, l'ensemble de la machinerie qui va permettre d'accrocher des éléments d'éclairage, des tentures scéniques, donc les pendrillons qui permettent de créer les coulisses, les fonds, etc., voire des éléments de décor ou du son.
Alors, pourquoi le mot cintre ?
D'après les recherches que j'ai pu faire, ça tiendrait aux premiers édifices dans lesquels la machinerie a été installée, qui nécessitaient de la hauteur et souvent qui comportait des toitures cintrées avec des voûtes puisqu'à l'époque, les assemblages étaient souvent en croisés ou avec des voûtes. Et donc, quand on levait les yeux et qu'on regardait vers le haut, la machinerie un peu installée, même si c'était rudimentaire, sans doute, à l'époque. Ça avait une forme cintrée et il semblerait que le terme cintre vienne de ces formes de charpentes et de toitures.
Donc, le terme a été conservé.
Alors, ici, particulièrement, on est dans un théâtre qui est issu d'un véritable théâtral à l’italienne. On est sur une machinerie qu'on appelle contrebalancée.
Donc, c'est un principe qui existe toujours sur les cintres manuels.
Aujourd'hui, on trouve beaucoup de cintres qui sont motorisés. Mais dans les cintres manuels qui existent encore, c'est de la machinerie contrebalancée. Donc, au Théâtre de Grenoble, on est vraiment sur la première génération de machinerie contrebalancée avec assez peu d'éléments qui permettent de sécuriser le système.
Et puis, comme tu peux le voir, on a un système d'arrêt, qui est sur palette avec un nœud, comme sur les anciens bateaux de la marine marchande à voile, notamment. Donc, avec des taquets sur lequel on va faire une huit et des clés pour bloquer les commandes. Aujourd'hui, on est plus sur des systèmes un peu plus sécurisés où la commande est en fil de chanvre, quiva passer dans un système de freinage mécanique avec une mâchoire métallique qui peut être actionnée par divers dispositifs, mais qui va venir vraiment permettre de bloquer la commande en cas de besoin.
Et puis, quand on a terminé la manœuvre, voilà.
Chez nous, ce n'est pas le cas. Une fois qu'on a défait le nœud, il n'y a plus de système qui permette d'arrêter le mouvement.
Donc, il faut être un peu attentif sur certaines phases de travail. Donc, le principe d'une machinerie contrebalancée, c'est un peu un système de balance, en fait. Donc, quand on est sur une phase de montage, le cintrier, qui est l'opérateur qui va manipuler la machinerie, va charger. Alors, c'est un terme historique, ça veut dire descendre. Il va charger la perche au plateau. Donc, la perche, c'est un grand élément métallique qui traverse le plateau, en général, de cour à jardin, de gauche à droite, pour les non-initiés.
Alors, on peut en trouver, en général, sur un plateau, tout dépend de la taille du plateau, évidemment ; mais on va pouvoir avoir, voilà, de 6 à 20, 30, 40 perches. Ici, on est plutôt très bien équipé, puisqu’on n’a pas loin d'une cinquantaine de perches. Donc, ces perches, elles sont suspendues par des câbles.
Donc, à travers le système de machinerie, le cintrier va envoyer la perche au plateau, la charger. Ensuite, il bloque sa commande. Il va monter à l'étage supérieur, qui va lui permettred'accéder au chariot de contrepoids.
Donc, quand la perche est au plateau et qu'elle est en train d'être équipée avec du matériel, on a le chariot de contrepoids sur lequel reviennent les câbles de suspension, qui va être au plus haut de la cage de scène. Et à l'aide d'une passerelle, le cintrier va pouvoir accéder à ces chariots de contrepoids et venir mettre en tas, en contrepoids, une masse équivalente à ce qui va être chargé sur la perche. Donc, si on équipe, par exemple, une perche avec 150 kg de projecteur, le cintrier va venir mettre 150 kg de contrepoids en fonte.
Donc, souvent, ce sont des pièces en fonte qui font entre 5 et 15 kg, de manière à ce qu'on ait un système qui soit toujours équilibré. Une fois que la phase de montage est terminée, que le contrepoids est chargé, il redescend d'un étage ou deux, selon les théâtres. Il reprend sa commande et il appuie la perche.
Donc, appuyer pour monter. Il va venir appuyer la perche pour la mettre à la hauteur de jeu finale ou quasiment finale. Ce sera peut-être ajusté après, dans les dernières phases de préparation.
Mais voilà, en fait, le principe, c'est celui-là. Et donc, au démontage, c'est l'opération inverse. Donc, il faut recharger les perches au plateau. Et en même temps que la perche va être déchargée, le cintrier va décharger la queue de contrepoids pour retrouver un équilibre de la perche à vide. Et on a du coup toujours un effort équilibré pour manœuvrer les perches.
A : Est-ce que c'est souvent que vous servez des 50 perches en même temps ?
G : Non. Alors, c'est toujours compliqué de donner une estimation, mais on va dire que sur les types de spectacles qu'on peut accueillir aujourd'hui au théâtre, on va avoir en moyenne entre 4 et 8 perches d'éclairage. Ensuite, on va avoir à peu près la même chose en tenture scénique, pendrillon, fond, etc., voire cyclorama. Et puis après, on peut avoir quelques perches additionnelles pour des éléments particuliers, soit de décor, soit de son. Donc, on va utiliser autour de 10 et 15 perches simultanément. Ça peut aller au-delà sur certains spectacles, mais en moyenne, je pense qu'on est à peu près sur ce dimensionnement-là.
Alors ici, historiquement, il y a beaucoup de perches parce qu'il y avait une tradition d'accueil d'opérettes. Il y avait quelques compagnies d'opérettes dans l'agglomération qui venaient donner des représentations au théâtre. Et donc, le théâtre disposait d'un fond de toile puisque ces compagnies, qui n'étaient pas vraiment professionnelles, n'avaient pas de décor. Et puis dans les opérettes, ça ne fonctionnait pas vraiment comme ça.
Donc en fait, les décors étaient faits à l'aide de toiles peintes, ce qui fonctionne d'ailleurs très bien. Et donc, quand on avait une opérette qui durait 3 heures, il fallait pouvoir changer les tableaux, les ambiances, etc. Il pouvait y avoir une dizaine de toiles installées en plus de l'éclairage, même si c’était un peu plus succinct à l'époque. Donc c'est pour ça, je pense qu'ici, il y a vraiment beaucoup de perches et qu'elles sont assez serrées.
Et du coup, pendant la représentation, ça permettait de changer les fonds et du coup, les ambiances de jeu.
A : Et le métier de machiniste ou cintrier, c'est la même chose déjà ?
G : Alors, aujourd'hui, oui, ça tend à être confondu. Ça reste une spécificité particulière. Donc aujourd'hui, nous, on a besoin dans l'équipe que les techniciens aient un petit peu de polyvalence.
On a un cintrier identifié qui est quand même en charge la plupart du temps de ce poste-là, mais dans l'équipe, on est plusieurs à pouvoir éventuellement le suppléer en cas de besoin. Sur des gros montages, par exemple, il faut parfois deux cintriers. En jeu aussi, si on a des mouvements en jeu de décors, notamment, parfois, il y a des mouvements simultanés, donc il faut pouvoir être deux cintriers.
Aujourd'hui, il y a quand même pas mal de lieux qui tendent à être équipés avec des systèmes motorisés, donc la formation est un peu différente et les protocoles de travail aussi. Nous, on a, régulièrement, les gens qui sont reformés puisqu'il faut légalement, comme dans d'autres domaines techniques, il faut une autorisation de conduite pour ce type de machinerie. Donc, c'est-à-dire qu'on doit être formé. Et ensuite, notre employeur nous autorise à utiliser ce type de machinerie pour garantir la sécurité des techniciens, des artistes qu'on accueille, etc.
Donc, c'est une formation un petit peu spécifique et comme nous, on a un type de machinerie qui est quand même très ancien et qui n'est plus très présent dans les salles en France, on a créé un module de formation d'une semaine, qui nous a été dispensé le dernier, à l'automne 2023, et qui était composé à la fois de principes élémentaires de machinerie et d'éléments spécifiques à notre cintre.
A : Et le cintrier, donc, il intervient juste au moment de la répétition, de la mise en place du spectacle, ou il intervient aussi dans la création, plus en amont ?
G : Alors, dans le fonctionnement, aujourd'hui, des productions de spectacles, il y a encore, effectivement, des lieux, souvent assez importants, qui produisent des spectacles avec leurs équipes. Vous pouvez avoir des structures où, à la tête, vous avez un chorégraphe ou un metteur en scène et, parfois, dans la saison ou une saison sur deux, il va décider, parce que c'est dans les missions de son lieu, de créer, de produire un spectacle interne, qui, après, va partir en tournée, mais qui va être produit avec les ressources internes du lieu.
Nous, on n'est pas dans cette configuration-là.
Nous ne produisons pas de spectacle. On accueille des compagnies de différentes disciplines qui viennent répéter dans nos lieux, qui peuvent être accompagnées ou pas, mais souvent, quand même, c'est le cas d'un minimum de techniciens. Souvent, elles ont quand même un régisseur lumière, un régisseur plateau, bon, voilà.
Et qui vont utiliser les ressources que, nous, on leur met à disposition. La question du cintrier, elle va dépendre un petit peu des types de lieux dans lesquels la compagnie va tourner ses spectacles ensuite. C'est-à-dire que si on est plutôt sur un accompagnement d'une toute jeune compagnie qui va tourner dans des petits lieux, elle ne va pas forcément trouver des lieux où il y a un système de machinerie aussi développé qu'un théâtre à l'italienne avec une cage de scène, etc.
Donc nécessairement, son spectacle, il va être produit avec un dispositif technique qui sera plus adapté à des petits lieux et dans lequel on ne va pas forcément retrouver de cintres. Donc à ce moment-là, il n'y a pas forcément besoin de la ressource cintrier de notre côté. Par contre, si on accueille une compagnie qui est sur une phase de création qui approche de la création finale et qui va tourner son spectacle dans des lieux un peu plus importants où elle est susceptible de trouver de la machinerie, à ce moment-là, elle va inclure potentiellement dans son spectacle des dispositifs qui vont nécessiter l'utilisation de machineries en jeu et donc nous, ça met effectivement un peu plus en...
A : mettre en lumière ses caractéristiques ?
G : C'est ça. Ça nécessite en fait cette compétence de notre côté. Après, la réalité, c'est que souvent, c'est quand même...
La machinerie bouge assez peu en jeu aujourd'hui, à part un peu dans les opéras encore ou les grosses productions, mais dans les types de compagnies que nous, on va accompagner la plupart du temps, il y a des phases de montage ou de démontage qui peuvent être assez longues et assez complexes parfois, avec des accroches supplémentaires. Si on est, par exemple, sur une compagnie qui va mêler des éléments de cirque, etc., donc on peut avoir besoin effectivement de suspensions. Alors, on va passer par un autre biais que le cintre, mais...
Donc là, on est sur des phases de montage plus complexes, plus préparées et plus longues. Mais par contre, en jeu, ça ne bougera pas. Donc, il n'y a pas nécessité d'avoir un cintrier en jeu qui soit mobilisé.
A : Et toi, tu penses quoi de la motorisation des cintres ?
G : Alors, la motorisation aujourd'hui, comme sur d'autres sujets techniques, ce n'est plus vraiment une question, en fait. Ce n'est plus une question parce que d'un point de vue des conditions de travail et de la sécurité au travail, et du coup de la préservation de la santé des salariés, le métier de cintrier reste assez sollicitant sur un plan mécanique pour la personne,puisque c'est quand même des ports de charge importants dans des conditions, des positions qui ne sont pas toujours celles recommandées par les autorités de santé. Donc, ça nécessite quand même une bonne condition physique.
Et puis, comme on travaille quand même sur des amplitudes horaires qui parfois peuvent être un peu étendues la nuit, etc. Ce n'est pas forcément des moments où d'un point de vue physiologique, on est censé être à un pic. Donc, produire des efforts prolongés et importants dans ces phases-là, c'est toujours quand même une source de blessures.
Ce n'est pas le cas chez nous. Globalement, ça se passe plutôt bien. Mais ça nécessite quand même d'avoir quelques attentions à cet endroit.
Après, le gros avantage de la machinerie manuelle, c'est que ça ne tombe pas en panne. Alors, on peut avoir une absence de personnel, mais on trouve en général toujours une solution, un plan B pour pallier le problème. Quand on est sur une machinerie motorisée, il y a souvent quand même un confort de travail qui est plus important.
C'est parfois aussi un peu plus rapide sur les phases de montage. Il y a moins de temps mort, etc. Par contre, comme tout dispositif technique, ça peut quand même être soumis à des pannes, et notamment des pannes parfois en jeu.
Donc, ça peut être quand même un peu compliqué à gérer. Aujourd'hui, les systèmes sont beaucoup fiabilisés par rapport à ce qui pouvait exister il y a une quinzaine d'années. Mais, à titre personnel, je pense que l'idéal, c'est un peu un compromis entre les deux, c'est-à-dire d'avoir un cintre qui est équipé à la fois avec des machines, des équipements motorisés qui permettent de lever des charges plus importantes, et peut-être sur certaines phases de travail, d'être plus efficaces.
Mais de conserver quand même une partie manuelle qui est quand même aussi très souple, et puis qui permet d'être opérationnel quoi qu'il arrive.
Y : Du coup ça fait combien de temps que tu travailles ici
G : Alors ici, j'occupais plusieurs postes. Moi, j'ai commencé en régie lumière ensuite j'ai fait un petit peu de régie générale, qui est le poste un peu de responsable opérationnel de l'équipe plateau. En fait le régisseur général, c'est celui, qui va gérer les plannings de travail, qui va préparer les accueils des compagnies à partir des dossiers techniques, etc., éventuellement louer le matériel qui nous manquerait.
Et puis aujourd'hui donc, je suis en direction technique. Donc c'est un poste que je n’avais pasforcément projeté au moment où c'est arrivé. Mais j'ai pris la direction technique au moment du changement de projet artistique du théâtre. Le poste de direction technique, c'est un poste qui revêt une partie qui est en lien avec ce qui se passe sur les plateaux. Donc je suis responsable du régisseur général et de l'équipe plateau. Mais, je ne suis pas sur le côté opérationnel en courte saison, à part sur des accueils un peu plus compliqués techniquement où je viens seconder le régisseur général, ou alors on a un échange parce que ça implique des dispositifs techniques un peu moins familier, ou qui demande un peu plus de précautions, ou alors je vais intervenir sur la partie plutôt sécurité des salariés, mais des techniciens, mais surtout sur la partie publique. En fait, on est sur des types d'accueil de public, qui sont un peu différents du dispositif classique plateau et salle. Je vais avoir un regard sur la sécurité et conditions de sécurité du public. Mais sur la partie spectacle, j'interviens plutôt l'année d'avant au moment de la programmation avec la directrice pour évaluer la faisabilité technique, les contraintes financières et budgétaires, etc.
Pour répondre à ta question, moi, ça fait 14 ans que je travaille ici.
Y : Tout ça, c'était aussi pour demander si tu as une expérience de ton corps dans ce bâtiment,tu l'as vu quand même pendant 14 ans évoluer. Comment tu pourrais résumer, si possible, si c'est faisable, l'évolution de ce bâtiment de cet endroit ? Comment tu l'as constaté ? Et toi, à force d'être ici, comment tu ressens ce bâtiment parce que ce n’est pas n'importe quel genre de bâtiment ?
G : C'est une bonne question parce qu'on comprend. On est donc quand même dans un bâtiment historique, qui est un lieu qui aujourd'hui est quand même assez contraignant par rapport aux formes scénographiques, qui sont développées par les compagnies qu'on accueille et qu'on accompagne, quelle que soit la discipline. Alors c'est très contraignant principalement sur la partie scénique pour deux raisons. La pente du plateau donc qui existait historiquement dans les opéras, les théâtres à l’italienne pour des questions de visibilité du public. Et puis aussi, ça permettait un peu de créer des perspectives, des lignes de fuites sur les décors. Donc ça aujourd'hui, c'est une contrainte parce que ça n’existe plus énormément dans les salles. Et du coup, les spectacles sont conçus et pensés pour des scènes à plat. Donc dès qu'on a des décors avec de la hauteur ou des éléments mobiles en jeu, etc., qui roulent sur le plateau c'est quand même assez compliqué. On pourrait accueillir des choses comme de la danse ou du cirque, même si beaucoup d'artistes arrivent à s'adapter, mais ça reste quand même une source de contrainte. Et l'autre facteur qui est assez contraignant, c'est ce qu'on appelle nous dans notre jargon, l'ouverture au cadre, c'est la largeur du cadre de scène, donc le cadre de scène. C'est la fenêtre, qui permet de voir ce qui se passe sur le plateau. C'est un élément structurant dans les théâtres à plusieurs niveaux. Souvent c'est quand même un rapport, qui est lié aussi aux capacités d'accueil public, à la taille du plateau. Tout ça, c’estrelié. Un scénographe vous l'expliquera mieux que moi. Mais voilà, il y a un rapport entre tout ça. Donc ici, on a un cadre de scène qui est plutôt cohérent par rapport à la salle et à la taille du plateau, mais qui pourrait être tout aussi cohérent avec un mètre, entre un mètre ou deux, de plus en ouverture et qui nous faciliterait pas mal les choses en termes de visibilité puis d'accueil, voilà.
Aujourd'hui, le cadre est un tout petit peu sous dimensionné par rapport aux capacités techniques qu'on a, qui nous permettent d'accueillir quand même des formes de spectacle assez importante et assez développée techniquement. Mais on contraint beaucoup l'espace et la visibilité du public par l'ouverture au cadre, qui est un peu un peu faible sur le reste.
Le théâtre, il a évolué, je dirais, sur les deux dernières décennies, pour ce que j’en connais un peu à travers. Alors évidemment, les besoins qui sont ressentis par les techniciens, pour essayer d’aller parfois de solutions temporaires, qu’on met en place ponctuellement, mais finalement assez souvent pendant l’année, vers des solutions techniques plus pérennes et plus faciles à mettre en œuvre… eh bien, ils ont évolué aussi.
Ces modifications, elles sont liées à des besoins nouveaux, à des dispositifs techniques récents qui arrivent dans le monde du spectacle, notamment les réseaux scéniques, etc. Et elles ont été aussi beaucoup liées aux compétences internes des techniciens du théâtre, qui se sont succédé dans le lieu durant ces dernières décennies.
Chacun, en fonction de sa sensibilité, de ses compétences, a décidé, évidemment avec l’accord, notamment, du directeur technique, surtout quand ça impliquait des budgets un peu importants, de venir modifier des parties de l’installation ou des équipements scéniques, pour pouvoir être plus conforme aux attentes des compagnies, aux besoins des techniciens qui travaillent dans le lieu.
Donc, ça a touché des équipements électriques un peu structurants, comme des armoires, des tableaux de raccordement… Ça a touché aussi des équipements des cintres, voilà. Et alors, il y a des évolutions qui améliorent les choses. Mais il y a aussi tout un aspect qui est lié à la maintenance.
Il y a énormément d’éléments qui sont soumis à des vérifications périodiques obligatoires, ou à des visites de maintenance obligatoires. Tout ça par des entreprises ou des organismes indépendants, extérieurs, des prestataires privés, qui vont émettre des recommandations à la suite de leur visite : sur la conformité des installations, leur vieillissement éventuellement, etc.
Et donc, une partie de mon travail aujourd’hui, c’est de gérer en fait ces non-conformités ou ces observations. Soit avec l’apport de prestataires extérieurs, quand ce sont des travaux qui dépassent nos compétences ou pour lesquels on n’a pas les habilitations nécessaires pour intervenir, ou les attestations requises. Ou alors, ça va être réalisé en interne, quand on dispose des compétences pour le faire.
A : Quand tu dis que les cintres ils ont évolué, on ne dirait pas comme ça que...
G : Alors, l'essentiel n’a pas du tout changé, parce qu’on ne peut pas, réglementairement, intervenir de manière conséquente sur ce type d’équipement technique, de cette génération-là, sans une remise en cause complète du système et des éléments porteurs du théâtre.
Aujourd’hui, on ne dispose quasiment d’aucune donnée sur les capacités portantes structurelles du théâtre. En fait, on sait que le cintre, il est en place, qu’il tient. On a quand même un dimensionnement qui a été réalisé par un bureau d’études, qui donne une estimation de la capacité de charge des cintres, mais ça reste une donnée avec tout ce qu’elle peut comporter d’incertitude.
Donc aujourd’hui, les opérations qu’on peut faire sur le cintre, c’est : changer des câbles qui sont marqués, abîmés, qui ont vieilli ; changer des poulies aussi, qui sont abîmées ; éventuellement venir modifier, à la marge, un emplacement de perche parce qu’on estime qu’il y a des défauts d’alignement des poulies.
Aujourd’hui, on a des moyens techniques qui sont un peu plus développés que ce qu’ils pouvaient être il y a quelques décennies. Et puis aussi, peut-être, des nécessités d’exigence technique qui sont un peu plus élevées à certains endroits. Donc on est amené à rectifier aussi un petit peu des fonctionnements qui étaient tolérables, mais qui n’étaient pas forcément optimum.
Changer des commandes en chanvre aussi, puisque le dispositif, qui permet d’actionner les cintres, qui est relié au shout contrepoids et aux perches, c’est une commande en fil de chanvre. Donc ça, il y a de l’usure régulière sur ces commandes-là. Donc ça, on les change aussi. Voilà, c’est fait en interne. Mais en gros, voilà, ça se limite à ces opérations-là.
A : Surtout de la maintenance ?
G : Les dernières choses qui ont été faites, un peu conséquentes, c’est qu’on a éliminé deux anciens dispositifs d’éclairage, qui s’appelaient herses, en fait. Donc, vous avez encore un exemplaire sur la passerelle mobile à la face, qui, pour le coup, là, est accroché à la passerelle, mais en fait, ce même dispositif était sur des perches spécifiques.
Et donc, ça, c’est un vestige de ce qu’était l’éclairage dans les années 70-80, qui n’était pas une composante principale des spectacles de théâtre, notamment ceux qui étaient accueillis ici. Ces herses étaient très bien situées sur le plateau, à des endroits stratégiques, mais qui, du coup, nous posaient des problèmes depuis un certain temps. Puisque, comme elles étaient bien disposées, mais que ce sont des dispositifs qu’on n’utilise plus, elles nous empêchaient de mettre de la lumière, nous, aujourd’hui, avec nos dispositifs actuels, à ces endroits-là.
Donc en fait, on a déposé ces herses-là, qui n’étaient pas sur des perches vraiment classiques. Il a donc fallu déposer tout le système lié aux herses d’éclairage, qui était suspendu par quatre câbles, au lieu des cinq qu’on a habituellement sur les porteuses, sur les perches.
Ça a nécessité de modifier l’emplacement des poulies, voilà, de repasser des câbles… On a refabriqué des chariots de contrepoids. Voilà, c’étaient deux éléments, et c’étaient les dernières opérations vraiment un peu importantes qu’on a faites sur le cintre.
Y : C’est un lieu historique, et de façon générale, quand on parle de théâtre, c’est toujours souvent des spectacles, ou alors des hauts postes. Toi qui travailles dans la partie technique depuis un bon moment, dans un lieu historique, quel effet ça fait ? Parce que ce n’est pascomme la majorité des théâtres que j’ai été amené à fréquenter. Il doit y avoir, il me semble sensiblement, une particularité à travailler dans un environnement pareil.
G : Oui. Alors moi, je viens de là. J’ai toujours travaillé, la plupart du temps, dans des théâtres, même s’ils avaient été rénovés, mais qui étaient issus de théâtres à l’italienne en tout cas. Donc, on retrouve quand même des similitudes.
Il se trouve effectivement qu’ici, on est vraiment sur une version très ancienne. Les derniers travaux structurants de ce lieu, vraiment, c’est 1948-1952, en fait. Donc jusqu’en 1948, c’était vraiment un théâtre à l’italienne, et il a été fermé, cassé, modifié, pour rouvrir en 1952. Ensuite, il y a eu une deuxième phase, enfin, la dernière phase de travaux un peu importants, mais qui n’ont pas vraiment été structurants.
Ça a concerné, d’ailleurs, le cintre, qui a été remis à niveau à ce moment-là, et puis quelques éléments en salle. C’était en 1976. Donc en fait, en gros, depuis 1976, il n’a pas évolué sur les éléments structurants.
Les particularités, finalement, dans le quotidien, hormis les contraintes dont je parlais tout à l’heure, qui sont liées à la pente et à l’ouverture au cadre, on ne les ressent pas forcément. Il y a eu suffisamment de petites mises à niveau techniques, depuis, pour que dans le quotidien, ça ne soit pas trop perceptible.
Alors, ça se sent un petit peu sur la machinerie, parce que les manœuvres prennent un peu plus de temps que sur une machinerie un peu plus évoluée, qu’elle soit motorisée ou pas, d’ailleurs. On nous demande parfois certaines précautions. Mais globalement, ce n’est pasforcément une contrainte.
C’est plutôt… voilà, c’est un lieu qui a une patine, qui a une histoire. Donc c’est plutôt, en tout cas jusqu’à aujourd’hui, moi je commence à être un peu âgé, mais les techniciens ont quand même souvent une sensibilité par rapport aux faits historiques. Et puis on utilise encore beaucoup de termes et de techniques qui sont liés à l’histoire de la machinerie, etc. Du coup, c’est plutôt un point d’accroche, en fait, pour les techniciens, de travailler dans un lieu comme ça.
Après, effectivement, il y a quand même quelques moments dans l’année où on va ressentir ça de manière un peu plus contraignante. C’est souvent lié à des accueils techniques un peu plus importants.
La contrainte, elle pèse aussi au niveau de l’accès décors. Donc pareil, c’est assez peu impactant sur des petits accueils. Mais quand vous accueillez un spectacle dont le dispositif technique arrive dans un gros porteur, voire un semi-remorque, et que tout passe par un palan, puisque la scène est à 5 mètres au-dessus du niveau de la rue… tout doit être déchargé dans la rue, chargé dans des panières ou élingué, monté avec un palan, acheminé jusqu’au plateau, etc.
Donc ça nécessite parfois de doubler les équipes : il y aura une équipe qui décharge pendant qu’il y en a une autre qui est en train de monter sur le plateau. Pareil au démontage. Donc là, effectivement, à ce moment-là, on sent un peu le poids de l’histoire.
Après, c’est le cas aussi de pas mal de théâtres de ville. On est dans un centre historique. Il y a beaucoup de théâtres dans les centres historiques, qui sont aussi contraints sur les questions d’accès décors, que ce soit pour les véhicules ou pour la facilité d’accéder au plateau.
Donc voilà, à ce moment-là, on le ressent. Néanmoins, on a quand même des procédures de travail, issues des anciennes générations qui ont travaillé ici, qu’on a fait évoluer. Etglobalement, ça demande un peu plus de moyens humains, mais ce n’est pas forcément un frein. C’est une contrainte supplémentaire, mais pas un frein énorme.
Et puis l’avantage qu’ont les lieux comme ça, c’est qu’on est quand même capable d’accueillir des choses très diverses. Ici, moi, j’ai vu rentrer des spectacles énormes, même trop gros objectivement pour un lieu comme ça. Mais on arrive toujours à trouver des solutions techniques, qui vont permettre, même si dans des conditions peut-être un peu dégradées par rapport à ce que devrait être la restitution du spectacle… On va toujours trouver des solutions pour permettre au spectacle de jouer.
Voilà. En venant ajouter des éléments techniques ponctuels à un endroit ou à un autre. C’est un peu l’avantage des lieux comme ça, quoi. S’il faut venir visser une platine, un élément à un endroit, on le fait. On ne se pose pas trop de questions.
Et puis, comme c’est un lieu qui continue d’évoluer… Aujourd’hui, l’élément le plus marquant, c’est qu’on dispose, au-dessus de la grille, où on pourrait aller tout à l’heure, de trois ensembles de profilés métalliques HEA, donc en H, qui sont posés sur des chevêtres métalliques. Ils ont été dimensionnés par un bureau d’études, et vont venir nous permettre d’accrocher, notamment, des palans électriques à chaîne pour pouvoir lever des éléments lourds, des ponts aluminium, notamment.
Donc, quand on accueille des propositions de cirque, ou qui incluent des nécessités d’accroche pour des artistes ou pour du matériel, on est capable de lever en sécurité, et correctement, des éléments avec des capacités de charge importantes. Plus importantes que sur le cintre.
Et puis, on a rajouté, dans la cage de scène, un peu partout, des points d’ancrage, en fait, qui vont permettre d’haubaner avec des sangles tous ces éléments qu’on va lever, et qui vont nécessiter d’être immobilisés.
Quand on accueille des circassiens ou circassiennes, souvent on va mettre un pont aluminium. Ce pont aluminium, on va le suspendre à une hauteur de par exemple 8 mètres. Il va être haubané, donc complètement bloqué avec des sangles. Et puis après, les circassiens vont venir équiper, eux, leurs agrès sur ce pont aluminium-là.
Ça, c’est quelque chose qu’on ne pouvait pas faire avant. C’est un élément qui a dû être ajouté il y a une dizaine d’années, voilà. Et aujourd’hui, ça nous sert plusieurs fois par saison. Donc ça a permis aussi d’élargir les capacités de programmation artistique.
[…]
A : On fait un nœud autour de ça ?
G : On fait un nœud en 8 en fait, avec une clé.
A : Et du coup, ça tire la corde qui est là-bas ?
G : Donc là, on a une perche qui est plafonnée, qui est au point le plus haut de la cage de scène. Cette perche-là, elle est suspendue par 5 câbles qui vont au-dessus, sur la plateforme qu'on appelle le grill, cheminer dans des poulies, venir jusqu'à la coulisse. Au niveau de la coulisse, en partie supérieure, on a ce qu'on appelle une poulie mère, une mère de famille, qui est une poulie à plusieurs gorges, qui va venir récupérer les 5 câbles de suspension de la perche, et qui va leur permettre de plonger dans la cheminée de contrepoids.
Donc c'est ce qu'on a derrière nous. On voit ces 5 câbles qui arrivent de la perche, via les poulies et la poulie mère, qui descendent dans la cheminée de contrepoids, et qui vont venir se fixer sur le chariot de contrepoids, sur la queue de contrepoids. Donc là actuellement, sur cette perche-là, qui est plafonnée, qui est au point le plus haut de la cage de scène, on a le chariot de contrepoids qui lui, est au plus bas au niveau du plateau.
Sur ce chariot de contrepoids en partie supérieure, on a ce point d'accroche des 5 câbles, et on a également le point d'accroche de la commande en chambre, qui elle, remonte du chariot de contrepoids jusqu'à la poulie mère également, et qui redescend au niveau de la passerelle de commande. Donc là, j'ai la commande en chambre dans la main. Quand je vais l'actionner, je vais la tirer vers le bas, ce qui va permettre à la perche de descendre.
Puisqu'en tirant vers le bas, je vais faire remonter le chariot de contrepoids, qui était en bas de la cheminée, je vais le faire remonter. Donc là, la perche descend, le chariot de contrepoids remonte, on va arriver au niveau de la passerelle où les deux vont à peu près se croiser. Donc là on la prend le croisement, à peu près à 7m50.
La perche elle continue de descendre, le chariot de contrepoids continue de remonter, et donc là, la perche arrive au plateau à hauteur de travail. Le chariot de contrepoids lui est remonté au niveau de la passerelle supérieure, qui est la passerelle de charge. Je viens faire un nœud en 8 avec une demi-clé sur la palette pour bloquer la commande.
Sous la queue de contrepoids, on a ce qu'on appelle un fil de rappel. Donc ce fil de rappel, je peux venir également le sécuriser sur la palette, c'est une précaution supplémentaire. Et donc on peut travailler.
Quand l'opération est finie, je redéfais la demi-clé et le nœud, et on vient mettre la perche à hauteur de jeu.
A : Est-ce qu'on remettrait normal sans parler, comme ça on peut entendre la machine ?
G : Oui.
A : Merci. Super. Et du coup là ça tient tout seul quand c'est en bas ?
G : Oui, c'est le nœud qui est ici derrière qui tient. Mais la queue de contrepoids, elle est... Sur un système plus évolué aujourd'hui, le chariot de contrepoids, en fait, il est guidé par des rails.
Donc là tu aurais une rangée de rails en alu qui vont de haut en bas. Donc le chariot, il est guidé dedans. Et puis il y a des butées mécaniques en haut, en bas.
Et donc le système de fil... Là on a deux fils. Tu vois sous la queue de contrepoids, j'ai ce fil de rappel là.
Alors il n'est pas forcément... Ce n'est pas le fil principal parce que tu es toujours censé être légèrement surpeinté en fait. C'est-à-dire avec un contrepoids légèrement supérieur à la masse qui est sur la perche.
De manière à ce que naturellement la perche ait tendance à monter et pas à descendre. Notamment en cas d'incendie. La problématique incendie c'est un gros sujet dans les théâtres et particulièrement dans un lieu comme ça.
En cas d'incendie, les commandes elles vont brûler. Et avant que tout se casse la figure, parce que s'il y a un gros feu, tout tombera. Mais avant ça, quand les commandes brûlent et qu'elles lâchent, il vaut mieux que les perches aient tendance à remonter toutes seules et à aller se plafonner plutôt que de descendre au plateau.
A : Avec un petit déséquilibre côté contrepoids.
G : C'est ça. Donc là du coup, naturellement, tu vois quand je lâche, le contrepoids il descend et il a tendance à emmener la perche vers le haut. Donc en fait le fil de rappel il n'est pas forcément nécessaire.
Après ce qu'il se passe, c'est que le cheminement des câbles n'est pas rectiligne en fait. Alors il y a des perches c'est le cas, d'autres pas. Donc en fait, selon les hauteurs à laquelle tu es, là par exemple effectivement tu vois, la perche elle remonte toute seule.
Mais il va arriver à une hauteur où elle va avoir tendance à descendre toute seule en fait. Parce que les frottements qui sont en jeu, le poids des câbles, ils changent de côté. Là j'ai tout le poids des câbles qui est dans la chenille donc il va vers le bas.
Mais une fois que moi je commence à charger ma perche, j'ai une partie du poids des câbles qui commence à passer de l'autre côté. Et du coup quand j'ai suffisamment de poids de câbles de l'autre côté, la tare ici, elle n'est plus forcément suffisante donc la perche va avoir tendance à descendre. Et du coup parfois, on a besoin du fil de rappel pour verrouiller.
Tu vois là, si ma perche par exemple elle est très basse mais que je veux l'arrêter et qu'elle a tendance à descendre un peu, ben en fait, je vais retenir avec ce fil-là qui est dessous. Je vais venir faire le nœud de la même façon par-dessus. Et du coup ça bloque la perche dans les deux sens.
A : Ok, c'est secondaire mais ça peut être utile.
G : Voilà, c'est ça.
Et après là, c'est parfois les phases de travail qui sont un peu les plus compliquées. Alors on le fait de moins en moins.
On a plutôt tendance maintenant effectivement à mettre des moteurs et des pompes et parfois sur des éléments de décor ce n'est pas forcément possible. T'es amené, par exemple, à équiper un élément de décor sur deux ou trois perches pour pouvoir lever parce que c'est un élément qui est long, qui va être en travers. Par exemple, donc tu ne le mets pas dans le sens des perches. Là tu vois, tu vas couper le plateau en obliques.
Donc t'es obligé d'être sur deux ou trois perches. Ou alors parce qu'une perche seule n'est pas suffisante en termes de capacité de charge puisque, nous, on est limité à 160 kg. Alors souvent c'est plus que ça sur les cintres évolués, on est plutôt autour de 250.
Nous, on est limité à 160. Du coup, si t'as un élément qui fait 200, 300 kg, ben t'es obligé de jumeler des perches et de répartir la charge. Le problème c'est que...
On va aller au-dessus.
Le problème c'est que quand tu manœuvres, si t'es bien à l'horizontale et que t'as bien équilibré tes charges. Alors ça en général, on prépare un peu par des comptes, bon ben tu lèves, c'est équilibré, il n'y a pas de soucis. Mais si pour une raison x ou y, t’as un déséquilibre qui se fait parce que t'as un technicien, un machiniste, un cintrier qui ne manœuvre pas à la même vitesse ou alors qui va rester... Ça arrive parfois dans la cage de scène quand t'as beaucoup de choses avec des différentes hauteurs que t'es des éléments qui accrochent d'autres choses, qui te bloquent. Du coup, ton élément qui montait comme ça, il va rester accroché sur un côté, ça va faire ça.
Sauf que ça change la répartition de la charge en fait. Et du coup, tu vas te retrouver avec des perches qui sont sous charge et d'autres qui sont sur charge. Et du coup, comme t'es sur un équipement qui n'est pas du tout sécurisé, si t'es pas attentif, soit le fil il part dans tes mains et t'arrives plus à l'arrêter parce que c'est trop lourd et que t'as beau serrer tu te crames les mains et puis voilà.
Soit t'as une commande qui est toute molle parce qu'en fait t'as plus de charge dessus ou t'as une surcharge donc en fait ça va avoir tendance à redescendre. Et du coup, c'est hyper compliqué à récupérer ce genre de choses sur un cintre comme ça en fait. Sur un cintre où t'as un frein mécanique qui est bouclé. En fait, quand je dis bouclé, c'est que le fil en chanvre qui est au-dessus, il passe dans une poulie comme là en haut, il redescend mais au lieu de s'arrêter sur la passerelle au niveau de la commande, il descend en bas de la cheminée de contrepoids.Il passe dans une autre poulie, il remonte et il vient s'accrocher sous le chariot, là où on a le fil de rappel. Du coup, le fil il est complètement lié au chariot. Donc, quand il passe dans la commande et que tu le bloques mécaniquement avec ton frein, alors faut le faire avant que ça prenne trop de vitesse parce que si tu laisses partir, t'as beau freiner, tu crames le fil de chanvre et il casse. Et puis c'est fini quoi. Mais t'arrives quand même à récupérer une manœuvre, qui part d'un coup, tu le sens, tu bloques et en fait voilà.
Mais là en fait, entre le fil de rappel d'un côté et le fil principal de l'autre, selon le sens dans lequel ça part, c'est compliqué d'aller attraper le bon fil et d'arriver à te bloquer. Moi, je l'ai vu arriver ici une fois ou deux. Alors ça n'a jamais fait d'accident, ça n'a jamais rien cassé etc. Mais voir un truc qui se déséquilibre et qui commence à partir c'est...
A : Comme on sait qu'il n'y a que la force humaine pour l'arrêter.
G : C'est ça ou alors ça va venir en buter sur un autre truc mais ça risque de l'abîmer ou de le casser.
A : C'est un coup de chance.
G : Quand tu es sur les perches centrales, globalement les câbles sont bien alignés donc t'as pas trop, trop de frottement. Mais quand tu es sur ces perches-là, là t'as beaucoup plus de frottement dans les poulies etc. Donc en fait, ça change un peu au niveau de la commande en fait.
Ça ne se commande pas tout à fait de la même façon.
A : Parce que ce n’est pas bien axé avec l'axe de la poulie c'est ça ?
G : Mécaniquement, ça coulisse moins bien. Et donc, tu vois les éléments dont je te parlais, c'est ça quoi, sur lequel on va pouvoir venir mettre des sangles pour pouvoir accrocher dessous des palans électriques à chaînes en fait. Donc, c'est des moteurs qui grimpent le long d'une chaîne.
Donc une chaîne avec un crochet, on vient l'accrocher là, on passe à travers le grill. Et ensuite le moteur va te permettre de lever des équipements un peu lourds.
A : Ça peut porter combien ?
G : Donc, on peut mettre 400 kg au mètre. Donc chaque mètre tu peux mettre 400 kg.
En fait la capacité qui a été calculée par un bureau d'études pour l'ensemble du gril : la capacité de surcharge, donc de charge au-delà des équipements existants, c'est 5 tonnes. Donc on peut quand même équiper 5 tonnes de matériel.
Donc ça repose soit sur les... On le voit d’en-dessous, il y a trois entrées de charpentes en fait métalliques. On en a un là, un au droit de chaque pied en fait, qui sont ancrés dans les murs de chaque côté. Et c'est sur ces entrées de charpentes que tout repose.
La charpente du bâtiment en grande partie, et le centre en fait.
A : Et donc c'est sur les murs ?
G : Les deux de chaque côté en fait.
A : Et ça, donc c'est 1 des 5 ? Voilà. 1, 2, 3, 4...
G : Tu regardes, tu vois, tu as les commandes des deux côtés en fait. Là, on était sur une passerelle à jardin, donc on a une passerelle à cour aussi, parce que toutes les commandes sont les trois, donc elles ne pouvaient pas toutes être des mêmes côtés. Donc si on oublie les poulies mères, qui sont vraiment à l'extrémité, tu as 5 poulies qui sont la pompe des 5 câbles qui suspendent les perches.
Et donc les câbles remontent, passent dans les poulies, là-bas, et puis ils montent dans la poulie mère.
A : Ah la poulie mère, c'est là-bas. Et c'est quoi ces petits...
G : Petits poires d'arrosage. Alors c'est ce qu'on appelle le grand déluge, ou le grand secours. Donc, c'est une obligation réglementaire dans la plupart des théâtres ou opéras, qui disposent d'une cage de scène. Et donc, c'est un dispositif qui permet en cas d'incendie, on va dire violent, d'inonder toute la cage de scène pour éviter la propagation du feu.
Donc ça peut être alimenté en eau de différentes façons. Chez nous, c'est avec le réseau d'eau de ville, qui est doublé, donc qui est sous pression en permanence jusqu'à la vanne d'arrêt. Donc on a une vanne d'arrêt au niveau du plateau.
Et on en a une pas très loin du PC de sécurité au rez-de-chaussée qui peut être actionnée par les pompiers via un accès extérieur. En général, quand on ouvre ce type de dispositif, c'est qu'il n'y a plus grand-chose à sauver dans le théâtre. Parce que si ce n’est pas abîmé par le feu, ça sera abîmé par l'eau.
Donc c'est vraiment pour éviter la destruction complète du bâtiment et l'éventuelle propagation à des bâtiments annexes autour ou des bâtiments d'habitation comme nous, dans notre cas, qui sont contigus plus loin dans la rue. En fait, il y a deux grands... mais c'est un peu lié aussi à ce que sont ces théâtres issus du modèle à l'italienne avec des cages de scènes comme ça.
Il y a deux dispositifs de lutte contre l'incendie, qui sont importants et que tu vas retrouver à peu près dans tous ces types de lieux. C'est donc, ce grand déluge ou grand secours, qui permet d'inonder la cage de scène depuis la partie sommitale. Et c'est le rideau de fer, qui est le rideau métallique par flammes qui est à l'avant-scène, qui permet d'obturer la cage de scène, qui est un rideau métallique qui, lui aussi, est arrosé pour lui permettre de résister plus longtemps à la chaleur et qui va donner le temps au public d'évacuer dans les meilleures conditions possibles. Et qui va permettre, au moins pendant un certain temps, de contenir le feu à la cage de scène pour permettre son extinction dans les meilleures conditions possibles également.
Puisqu'il y a quand même... Alors, la réglementation... Évidemment, les causes ne sont pas forcément liées à ce qui se passe sur scène, mais quand même, dans une salle de spectacle, c'est de la scène que vient le plus gros risque d'incendie.
Alors, soit par rapport aux équipements scénographiques, décors, etc., installés, même s'ils doivent respecter certaines... dispositions de réaction au feu. Mais ça peut venir aussi des équipements électriques qui sont quand même en nombre, avec parfois des puissances importantes, donc qui véhiculent une intensité électrique importante et donc des risques d'échauffement, etc., en cas de mauvaise connexion ou de défaillance. Donc, la réglementation, elle est quand même beaucoup pensée pour un risque majeur d'incendie qui vient de la cage de scène.
Et donc, on a un ensemble de dispositifs assez complets, qui nous permettent de circonscrire le feu à la cage de scène si jamais il y avait un départ de feu.
A : OK, merci.
Y : Moi, j'ai une petite question. Du coup, en termes de projecteurs, vous êtes, encore comme beaucoup, théâtre à l'ancienne, avec des halogènes ?
G : Alors, c'est un... Merci d'ouvrir le débat.
Y : Non, je n'ouvre pas le débat, je fais l'état des lieux.
G : C'est une plaisanterie.
Non, en fait, aujourd'hui, on est dans une espèce de... Alors, comme à d'autres endroits, un peu... Enfin, c'est assez complexe, en fait.
Donc, effectivement, on est encore beaucoup équipés avec des projecteurs, on va appeler traditionnels, même s'il y a eu des évolutions, mais en tout cas, des projecteurs à base de lampes halogènes, donc des lampes à filaments. On a quelques équipements d'éclairage LED. Jusqu'à présent, les salles de spectacle, comme quelque autre endroit, avaient été exemptées par le règlement européen de la mise en application de directives énergétiques, qui ont imposé des conversions à l'éclairage LED, notamment dans le domaine d'éclairage des bâtiments.
Le règlement européen doit être révisé en cette fin d'année 2024. Vu la tendance actuelle en matière de développement durable et les efforts qu'ont faits les fabricants de matériels d'éclairage en termes de recherche et développement et d'investissement dans les outils de production. Il est fort probable que l'exemption dont nous bénéficions jusqu'à présent soit levée et que donc, à court terme, les salles de spectacle soient obligées de convertir leur parc d'éclairage vers l'éclairage LED, en fait.
Alors, ça lève beaucoup de questions. C'est en train et ça va continuer de changer profondément nos métiers, autour de l'éclairage notamment. Alors, à la fois côté création, parce que l'éclairage LED n'est pas l'équivalent de l'éclairage halogène, ne peut pas l'être.
Donc, ça apporte de nouvelles possibilités, c'est indéniable, de nouvelles possibilités artistiques de création. Mais ça veut aussi dire l'abandon de certaines possibilités, qui existaient auparavant avec l'halogène. Donc ça, c'est le premier point.
Et le deuxième point, c'est que jusqu'à présent, d'une salle à une autre, même si les marques de projecteurs n'étaient pas les mêmes, un type de projecteur produisait sensiblement le même éclairage. Quand vous aviez un projecteur de type découpe ou de type plan convexe, d'un lieu à un autre, vous retrouviez le même éclairage. On lui mettait le même filtre de couleur devant et on produisait le même éclairage.
Demain, avec l'éclairage LED, ce ne sera pas le cas. Donc, vous serez accueillis avec une marque de projecteur dans un lieu, vous aurez un rendu final. Deux jours après, vous jouerez dans un autre lieu, vous aurez un autre rendu.
Donc, ça va déjà nécessiter un travail plus important de pupitrage, de programmation de machine pour tendre à ce qu'était la création originelle, à retrouver ce qu'était la création d'éclairage originelle. Donc, ça pose quand même question sur le respect de la création artistique originelle. Ça veut dire aussi que ça va impacter les plannings de travail dans les lieux au moment de l'accueil des spectacles et des phases de montage.
Donc, il y aura probablement moins de temps de montage d'équipement parce que l'éclairage LED permet de réduire le nombre de sources lumineuses, parce qu'ils sont capables de générer plusieurs couleurs. Eventuellement, en étant motorisés, de remplacer plusieurs projecteurs qui avaient des implantations un petit peu différentes. On va réduire le nombre de sources. Les sources sont moins puissantes.
Donc, effectivement, d'un point de vue consommation électrique, ça va être un gain. Mais par contre, il va y avoir nécessairement un temps de reprogrammation derrière de la part du régisseur lumière, qui tourne avec le spectacle qui va être beaucoup plus important, en fait, pour essayer de respecter la création originelle. Donc, ça, c'est un vrai sujet.
Et puis après, il y a l'aspect budgétaire et financier, qui est un autre gros sujet parce que ce sont quand même des équipements qui sont onéreux. Aujourd'hui, dans nos parcs lumières, on a des projecteurs, qui ont facilement une quarantaine d'années, qui sont maintenus chaque année, entretenus, etc. Donc, qui sont, je ne vais pas dire comme neufs, mais en tout cas, qui ont quasiment les mêmes caractéristiques qu'à leur sortie d'usine.
Demain, avec les éclairages LED, on sait qu'on va être sur des produits qui ont une durée de vie estimée par les fabricants, qui vont être garantis on va dire 8 ans et qui, potentiellement, vont fonctionner entre 8 et 12 ans selon les lieux. Mais on sait que ces budgets d'investissement-là, qui sont conséquents vont probablement être à renouveler tous les 8 à 12 ans, en fait. Donc, ça a levé beaucoup de questions dans le milieu professionnel pour toutes ces raisons-là.
Est-ce que les salles doivent se rééquiper avec des parcs complets ? Est-ce qu'on essaie de travailler une forme de mutualisation ? Donc, tout ça, c'est des choses qui sont un petit peu aujourd'hui en suspens parce qu'on est quand même dans un modèle qui est établi.Aujourd'hui, il n'y a pas vraiment de...
Alors, même si avec la transition écologique, les programmateurs de salles, les directeurs de structures, les directeurs techniques et d'autres réfléchissent à une façon de décarboner notre secteur d'activité. Ça veut dire quand même remettre en cause pas mal de choses du modèle existant. Alors, il y a déjà des inflexions assez fortes comme le fait, par exemple, de ne pas accueillir des dates isolées mais d'essayer de se mettre en réseau avec des salles pour créer des mini-tournées. Notre directrice travaille beaucoup comme ça aujourd'hui, quasiment essentiellement comme ça.
Donc, par exemple, la saison prochaine, on va accueillir un spectacle qu'on essaie d'accueillir depuis deux ans. Aucune salle autour de nous dans un rayon de 150-200 km ne pouvait ou ne souhaitait l'accueillir. Donc, c'est un projet qui était resté en suspens.
Et la saison prochaine, notre directrice a pu organiser une mini-tournée de trois dates, en fait, avec deux autres lieux où c'était censé pouvoir accueillir cette proposition. Et donc, on va les accueillir et ils viennent pour trois jours. Ils traversent la France, ils viennent de l'Ouest.
Mais bon, ils viennent pour trois jours et pas pour une date isolée.
Et donc, voilà, ces questions-là, aujourd'hui, elles sont en mouvement. Et puis, voilà, l'éclairage LED, du coup, au-delà de tout ce que j'ai évoqué, ça pose quand même aussi la question en termes environnementaux parce qu'effectivement, on va gagner un petit peu en termes de consommation. Bien qu'à l'échelle d'un lieu un peu important, la consommation scénique ne représente pas une part très importante de la consommation électrique globale. Etfinalement, le gain final de l'éclairage scénique converti à la LED ne va pas être si important que ça. Par contre, on connaît aujourd'hui quand même ce qu'implique la construction, le transport, puis la déconstruction et le recyclage possible ou pas de tous les matériels technologiques incluant des équipements électroniques, etc.
Et donc, se dire qu'on va s'équiper avec du matériel sous couvert d'améliorer notre empreinte écologique, mais dont on sait que l'obsolescence est programmée et qu'on n'a pas vraiment de solution de recyclage et qu'on a un coût environnemental quand même élevé à la fabrication et à la déconstruction, etc. Ça reste une vraie question en fait. Comme d'autres secteurs d'activité, on est aussi dans un mouvement et on ne peut pas aller contre.
On peut après essayer de travailler à l'infléchir. Mais en tout cas, on sait qu'on n'ira pas contre.
Y : J'ai une petite question. Je sais que les ampoules des projecteurs halogènes sont aussi en diminution de production. Est-ce que c'est lié au fait qu'il va y avoir une conversion obligatoire ou une transition obligatoire, qui se met en place depuis quelques temps ou c'est aussi parce que...
G : Alors, en fait, je ne vais pas pouvoir être trop précis parce que j'ai plus tout à fait tous les éléments en tête, mais c'est un travail que j'ai fait il y a quelques mois. En fait, les premiers règlements européens en la matière sur le volet des économies d'énergie datent du début des années 2000. On sait qu'en France, il y a le Grenelle de l'environnement, etc.
Donc, toutes ces choses-là qui sont passées dans différents pays ont alimenté une réflexion. Etdonc, les premiers règlements européens sont sortis au début des années 2000. Et le premier règlement européen incluait, et les suivants également, des dates de révision. Et ces dates de révision étaient aussi spécifiées qu'elles étaient liées aux évolutions technologiques en cours, aux attentes sociétales, etc.
Et donc, la dernière version de ce règlement, qui va être révisée cette année, a mis fin de manière très claire à l'utilisation des lampes à incandescence classiques, puis halogènes, puis les lampes fluocompactes, qui ont été une version intermédiaire en fait, a mis fin donc à l'utilisation et à la production de ces lampes. Donc, il n'était plus permis de les fabriquer, de les distribuer et de les utiliser en fait. Voilà.
Donc, comme lors de la dernière écriture de ce règlement, il a été estimé que l'éclairage LED était à maturité pour des applications résidentielles, tertiaires, d'éclairage, etc., de bureaux mais n'était pas à niveau pour des applications plus techniques notamment dans nos métiers.On a été exempté de l'application de ce règlement. Donc, les fabricants de lampes spécifiques pour les matériels d'éclairage, de cinéma, de théâtre, etc., ont été exemptés de l'application de ce règlement. Donc, ils ont continué à produire des lampes pendant quelques temps.
Sauf que les industriels, forcément, ils ont adapté leurs outils de production à la montée en puissance de la LED, à sa plus grande distribution dans le secteur domestique et certaines applications professionnelles. Donc, il y a eu de moins en moins de places pour produire de la lampe halogène. Et puis, ça n'allait pas dans le sens de l'histoire de toute façon.
Et donc, il y a beaucoup de fabricants, même s'ils ne sont pas très nombreux à fabriquer des lampes destinées aux projecteurs de cinéma ou de spectacle, mais il y a beaucoup de fabricants, en fait, qui ont devancé la révision du règlement européen et qui, depuis quelques années, ont fortement diminué, voire ont arrêté leur capacité de production de lampes halogènes. Donc effectivement, pour certains types de projecteurs halogènes, aujourd'hui, on est en difficulté pour trouver des lampes, en fait. Alors, il y a des lieux où on fait le choix de faire beaucoup de stocks.
Voilà. Ça n'a pas pu être le cas pour tous. Et puis, voilà, ce n'est pas forcément le sens de l'histoire. Alors, après, voilà, est-ce qu'on s'achemine vers une cohabitation, ce qui sera peut-être encore le cas sans doute quelques années, mais il y aura sans doute encore une cohabitation entre l'éclairage halogène et l'éclairage LED, ce qu'on fait déjà aujourd'hui un peu, mais avec une montée en puissance de la LED.
Je pense que c'est avec le cas encore quelques années, forcément, par nécessité et puis le temps d'adapter un peu aussi les façons de travailler. Voilà. Ça reste un sujet quand même un peu aujourd'hui central et de préoccupation pour pas mal de lieux.
Y : J'avoue que j'ai été interpellée par l'information qu'on pourrait avoir tendance à penser que dans un théâtre, les projecteurs prennent beaucoup en termes d'électricité.
Tu disais que ce n’est pas nécessairement ça, et donc du coup…
G : c'est moins de 10% en fait.
Y : C'est moins de 10% ? Alors quelle est la partie qui prend le plus ?
G : Alors chez nous, encore une fois on a un équipement un peu particulier, des théâtres comme ça il en reste d'autres en France, mais il y en a de moins en moins. Donc nous sommes un lieu très énergivore, notamment sur les questions de chauffage. On n'a pas de dispositif de climatisation. Mais aujourd'hui le poste de consommation le plus important pour ce lieu-là, c'est le chauffage.
Alors on n'est pas sur du chauffage électrique à 100% évidemment, on a des chaudières gaz, donc on est au gaz de ville. Mais une fois qu'on a produit la chaleur avec les chaudières, il faut distribuer cette chaleur à travers un réseau de radiateurs à eau chaude, donc il y a des pompes, des circulateurs, et aussi à travers de l'air pulsé. Le chauffage de la salle provient d'une sous station de chauffage, dans lequel il y a des échangeurs, un système de soufflerie de ventilation, et qui va propulser de l'air chaud dans la salle en fait, et réaspirer à un autre endroit l'air de la salle pour le repasser dans la machine, etc. Et donc aujourd'hui le plus gros poste de consommation c'est celui-là.
Donc évidemment, si vous êtes dans un lieu qui n'est pas énergivore d'un point de vue chauffage-climatisation, où tout l'éclairage de services, bureaux, etc. est à base de LED, bref, qui a un niveau de consommation électrique global qui est assez bas, forcément le scéniqueva avoir un peu plus d'impact. Mais on va dire que sur un lieu moyen, parce qu'il y a quand même très peu de lieux qui ne sont pas énergivores, même des lieux récents, il y a des contre-exemples.
Par exemple, La Vence Scène à Saint-Egrève, c'est un lieu, qui est très peu consommateur d'énergie, mais qui a été conçu comme ça. Après si vous allez à l'MC2, voilà, ça reste un lieu qui a des consommations énergétiques énormes. Dans ces lieux-là, alors évidemment c'est pareil, plus vous allez avoir d'activité sur vos plateaux, plus la proportion de l'éclairage scénique dans la facture finale va être importante.
On va dire qu'aujourd'hui, voilà, dans un lieu moyennement énergivore avec une production de spectacles, une diffusion de spectacles moyenne, conforme au budget qu'on trouve aujourd'hui dans les structures, etc. Ouais, la part de l'éclairage scénique, elle va être, alors comme chez nous, même si on a un bout, elle est autour de 7%, peut-être doubler, monter à 14-15% dans un autre lieu, mais on ne va pas forcément être au-delà de ça quoi. Donc passer à l'éclairage LED, ça ne va pas non plus...
Alors voilà, on peut se dire que chaque petite pierre est importante, voilà, c'est sans doute le cas. On réduit la consommation d'énergie, ça permet de faire baisser le bilan carbone, mais il y aura d'autres impacts environnementaux, c'est clair.
A : C'est sûr que si on compte la consommation d'énergie pour construire les projecteurs LED...
G : Le transport des matières premières, enfin voilà, les composants électroniques, on sait que c'est une grosse source quand même de pollution aujourd'hui, voilà. Il faut beaucoup d'eau pour les produire, les plaques de silicium, etc. Donc c'est...
Et de l'eau propre. Donc c'est, ouais, c'est un vrai sujet quoi. Enfin moi, clairement, à titre personnel, pour moi c'est un problème quand même.
Donc après, le petit, ce que je peux dire quand même, le petit signal positif qui commence à apparaître, c'est le rétrofit en fait. C'est-à-dire que...
Alors il y avait déjà un fabricant français qui avait proposé une solution. En gros, on garde une grosse partie du projecteur traditionnel halogène et on vient remplacer la source d'émission lumineuse et ce qu'il y a autour qui était halogène par un bloc LED électronique. Donc ça, ça fait quelques années que ça a été lancé.
Ce n'était pas très satisfaisant, ça pouvait convenir à certaines applications, mais ce n'était pas hyper efficace et satisfaisant.
Et là, très récemment, il y a d'autres fabricants qui ont sorti des produits, alors que moi je n'ai pas vu en démonstration, mais que mon régisseur général a vu. Et qui, a priori, sont plutôt efficaces.
Donc c'est la petite lumière en se disant que finalement, dans les lieux, ce qu'il y a quand même de beaucoup de théâtres, qui ont des parcs de projecteurs importants en bon état. Parce que nous, ces projecteurs-là, ils ne sortent pas. Ce n'est pas comme des prestataires qui vont faire du concert de l'événementiel où les projecteurs passent dans des camions, des trucs et voilà.
Nous, ils sont préservés, entretenus. Du coup, les solutions de rétrofit, on va pouvoir garder un ensemble d'équipements, enfin la carcasse métallique, éventuellement une lentille à l'intérieur, etc. Et puis finalement, juste venir enlever une douille en porcelaine, une lampe halogène et puis éventuellement un condenseur, donc un équipement optique, pour le remplacer par un ensemble LED.
Ça pourrait être une solution assez satisfaisante à pas mal de niveaux. Donc il faut voir maintenant ce que ça va donner, si ça va se développer.
Y : Je suis très curieuse. Est-ce que vous, l'équipe technique, de façon générale, vous avez des idées ? Vous y pensez ?
Parce que ce qui est intéressant d'être dans un espace comme celui-là, et puis ce que tu expliquais dans votre façon de travailler, c'est que non seulement il faut accueillir, donc vous connaissez le matériel, comme vous n'êtes pas dans la prestation, c'est le vôtre, vous le maîtrisez et vous l'entretenez. Donc tu vois, il y a quand même... Des fois, ça vous pose des questions, vous cherchez à...
G : Des solutions techniques, tu veux dire ?
Y : Oui, des fois, vous vous testez, vous essayez ?
G : Alors, c'est certain que dans des lieux comme le nôtre, on est un peu à un intermédiaire entre des petits lieux qui n'ont pas forcément de cage de scène, etc., qui ont des moyens techniques un peu plus limités, qui sont un peu plus polyvalents à certains endroits. Maisfinalement, pour l'accueil de spectacle, c'est un peu moins satisfaisant de travailler, il y a moins de possibilités. Et des très gros lieux qui vont être des versions XXL du nôtre, plus récents, etc., mais dans lequel il y a un côté...
Plus on est dans des choses techniques pointues, spécifiques, etc., plus ça demande de la spécialisation dans les métiers, etc. Plus les équipes sont importantes, donc moins c'est à taille humaine, bref. Nous, on est dans un lieu intermédiaire où on est à la fois en capacité quand même d'accueillir des dispositifs techniques importants, mais où il reste encore un...
Voilà, c'est un lieu qui est encore à taille humaine, c'est des équipes qui restent assez modestes en termes de nombre, c'est un lieu qui n'est pas immense, donc on peut se parler d'un bout à l’autre du plateau facilement, etc. Et donc, forcément, tout ça, ça favorise un peu les échanges, et puis c'est relativement facile. Effectivement, on en a parlé un petit peu tout à l'heure, mais de réfléchir à des améliorations techniques, etc. Après, sur le domaine particulier de l'éclairage, bon, c'est quand même très compliqué parce qu'on est après sur des solutions clairement d'ingénierie qui dépassent très loin nos compétences.
Et après, ce que je vous disais, c'est qu'en fonction aussi des profils des techniciens, ils vont amener des compétences, des envies et une sensibilité à certaines choses plutôt qu'à d'autres, qui va pousser un peu la mise à niveau technique dans un domaine ou dans un autre. Donc, pendant un certain temps, il y a eu des évolutions sur les équipements électriques, sur le réseau scénique, etc. Là, ces dernières années, ça a plus été sur la partie, justement, machinerie, etc., plateau.
En allant vers le palan qui donne sur la rue rue Guy Pape.
G : En fait, particulièrement ici, tous les techniciens, c'est une particularité qui est au lieu, mais on est formés et donc habilités par notre employeur. À chaque fois, c'est quand même quelques jours à quelques semaines de formation. Donc ça va de la conduite du palan, du pont roulant en fait, pour le déchargement des décors, à la conduite de cintres, à l'habilitation électrique, au travail en hauteur.
On a une liste de formation régulière et d'habilitation comme ça. Justement, ils sont censés te permettre de travailler en sécurité avec les bonnes petites entreprises. Pour manipuler ça.
Tu l'as eu le bruit du palan ou pas ?
Je ne vais pas pouvoir le descendre parce qu'il y a une voiture dessous de moi. Alors normalement, il faut porter un casque, des chaussures de sécurité.
Alors, souvent, ça dépend de ce qu'on charge des grands éléments de décors. En fait, un décor de théâtre, c'était fait souvent avec des panneaux de bois qui viennent se monter sur une structure métallique.
Mais tout est démontable en fait. Et pour pouvoir être transporté, c'est souvent dans des choses empilées dans les camions, etc. Donc en fait, dans ce type de chariot, on peut mettre facilement plusieurs éléments de décors.
Alors souvent, ils dépassent du chariot puisque quand tu es sur des hauteurs. Parfois ils sont en plusieurs parties, mais tu peux avoir des longueurs de 4 mètres. Du coup, effectivement, ça dépasse du chariot en longueur. Par contre, en hauteur, c'est des choses qui doivent rester manipulables par deux personnes.
Donc, si tu es sur des panneaux qui vont te faire 1,50 mètre maxi, tu vois, peut-être parfois un peu plus, mais de largeur en fait. Donc, du coup, quand tu les couches en hauteur dans le chariot, ça passe largement. Et si c'est des éléments qui ne peuvent pas rentrer dans le chariot, on vient les élinguer après directement sur le palan avec des estropes tubulaires, etc.
Voilà. On accroche avec ça, on vient faire des nœuds autour, des choses comme ça. Et tout ça, ça nécessite aussi de la formation et tout ça.
Donc, voilà pas mal de procédures de travail, de sensibilité, des petits panneaux de partout. On rappelle aux techniciens comment effectuer les manœuvres en sécurité, quels équipements de protection ils doivent porter, etc.
Y : Et il y en a eu des accidents ici ? J'adore le rire.
G : Des gros non. Des gros non. Des petits…
Ouais, ça arrive…
Après, je dirais que c'est vraiment… C'est un peu lié aussi… C'est des petites choses qui sont liées à l'état d'esprit dans lequel les gens vont être au travail.
Ça va être, tu vois, se coincer un doigt, une main à un endroit parce que tu n'as pas tiré ta main assez vite ou que tu n'as pas fait attention, que tu n'étais pas coordonné avec l'autre personne, donc elle a lâché l'élément de décor avant toi. C'est des choses comme ça. Après…
Non, je n'ai jamais vu de… En fait, dans ce domaine-là, c'est un peu… C'est un peu comme en sécurité incendie, c'est-à-dire qu'en France, on a quand même une réglementation qui est assez conséquente.
Et c'est fait un peu en mille-feuilles. C'est-à-dire que… C'est pensé pour que si tu as un élément de protection qui saute, parce que l'erreur humaine est toujours possible, tu es moins attentif, il y a une consigne que tu n'as pas eue, il y a un truc, il y a autre chose qui va te permettre que ça ne dégénère pas en un accident grave.
Donc, tu portes un casque parce qu'effectivement, quand tu manipules le palan, 9 fois sur 10, quand tu prends ta chaîne, tu viens l'accrocher, tu fais gaffe. Et la dixième fois, c'est le matin, tu es moins bien réveillé, tu n'as pas bien dormi. Et puis, tu ne fais pas gaffe, il y a la chaîne qui balance et tu la prends dans la tête.
Donc, tu portes un casque, il n'y a pas de souci. Tu as un choc, mais ça ne dégénère pas. C'est un ensemble de choses.
Celui qui fait les manœuvres fait attention à l'autre aussi. Et généralement, quand ça fonctionne comme ça, même si tu en as un qui est un peu défaillant, tu as son collègue qui va être attentif pour lui. Ça ne veut pas dire que ça va lui éviter complètement la petite blessure, mais ça évite quand même que ça dégénère.
Et après, le problème, c'est quand tu accueilles les compagnies.
On a ce devoir-là, nous aussi.
Y : Et puis, vous êtes dans l'accueil, donc c'est vous qui faites tout le côté technique.
G : Surtout ici, nos équipements, on ne les laisse pas dans les mains des gens qu'on accueille. Et du coup, il faut être attentif à ces gens qui n'ont pas forcément conscience. Tu accueilles des compagnies qui ont l'habitude de créer dans des petits lieux où tu as des grills fixes, donc des perches qui sont en l'air, qui ne bougent pas.
Ou alors, des grills qui descendent en un bloc sur moteur. Là, c'est évident, quand tu dis, attention, on va charger le grill pour équiper, tout le monde se recule, le grill descend. Mais quand tu es là ou tu manipules tes perches et que tu as des gens au plateau, tu n'as pas le droit d'avoir des gens sous la perche quand tu manipules, mais tu as des gens au plateau en cours de montage, donc tu descends tes perches.
Et à ce moment-là, des gens qui sont assez peu familiers de ce genre de lieu, ils ne font pas forcément gaffe. Il faut que le cintrier ait les yeux sur ce qu'il fait, il faut que le régisseur plateau en bas ait aussi un œil là-dessus. Enfin voilà, c'est comme dans d'autres jobs, mais c'est vrai que le fait d'accueillir chaque semaine ou chaque projet, c'est des gens différents, c'est des projets différents, c'est à chaque fois quelque chose, il n'y a pas de routine en fait.
Du coup, ça a des bons côtés, mais il y a des points de vigilance aussi particuliers qu'il faut avoir. Les gens qui n'ont pas du tout conscience.