Entretien avec Yolande Taleux
Dublin Core
Titre
Créateur
Éditeur
Public visé
Date
Sound Item Type Metadata
Transcription
Yo : Vous tombez bien parce que je suis à un certain nombre d'années de la retraite, mais pas non plus à 20 ans de la retraite.
Ya : Oui, oui, et c'est ça qui est intéressant en fait. Parce que l’expérience, c'est aussi ça qui raconte ce qui se passe à l'intérieur d'un bâtiment, les activités, un corps qui a expérimenté des années.
Yo : Oui, voilà, il y a des années, mais il y a aussi... Actuellement, j'ai l'impression que l'expérience, elle n'a pas plus tellement de valeur.
Ya : Ah bon ? Expliquez-moi, tiens.
Yo : Je sens l'écart de génération vraiment fort alors que j'ai pris les stages… Moi, je suis arrivée ici en novembre 2001.
Et avant, j'étais intermittente du spectacle, donc je travaillais pour des compagnies, vous connaissez le système des théâtres aussi, à l'habillage, à la réalisation, à la création. Enfin, tous les contrats que je pouvais avoir quand on est intermittente, on prend tout. Et je suis arrivée ici parce qu'il y avait un poste de chef d'atelier qui se libérait, donc j'ai postulé, j'ai été prise.
Et après, j'ai pris beaucoup de stagiaires depuis le bac pro jusqu'à BTS. Maintenant, il y a les DMA aussi, après c'est devenu des DNMAN. Et je trouve que, je ne sais pas si c'est l'après-Covid ou quoi, mais je trouve qu'il y a un fossé maintenant qui se crée avec les nouvelles générations.
On a l'impression qu'ils sont… Je n'arrive plus à distinguer la motivation. Je trouve qu'on leur apprend vraiment très, très bien des techniques pour se présenter.
Mais j'ai l'impression qu'entre la personne que je rencontre pour se présenter et la personne que j'ai après en stage. C’est la même ? Elle est passée où la personne très motivée, qui avait vraiment envie de faire ça.
C'est très, très compliqué.
Et puis aussi, les rapports sont compliqués, je trouve. Ils sont devenus hypersensibles. Il y a un moment…
On ne peut pas être tout le temps dans le travail, dans le quotidien, à réfléchir. Comment je vais dire ça ? S'il y a un moment, je ne suis pas en train de faire une thèse.
Ya : Je comprends. (rires)
Yo : Du coup, ça creuse ce fossé, ce qui fait que… Vraiment, il y a une grosse partie de mes années qui se sont passées à faire le travail et transmettre. Avec tous ces élèves-là, j'ai eu aussi des apprentis.
En général, les apprentis, ça se passe mieux parce qu'ils sont là sur deux ans. Ce n'est pas pareil. Le rapport ne doit pas s'installer dès les premières semaines.
Quand même, je trouve que c'est devenu difficile. Après, je vieillis. Peut-être que c'est ça aussi.
Il y a les deux. Il y a le Covid. Il y a le fait que j'ai vieilli.
Ya : Pour vous, il y a un truc à partir du Covid. En tout cas, le Covid est révélateur d'un changement.
Yo : Oui.
Ya : C'est quoi le changement que vous avez vu ?
Yo : Le fait que des gens qui arrivent motivés, au cours des journées, ne le sont pas tant que ça. Ils supportent de moins en moins les contraintes du travail.
Après, je fais partie de la génération chômage. On nous a expliqué depuis le lycée-collège que personne ne nous attendait nulle part. Le but était d'avoir du boulot. Quand on l'avait, on était content. C'est vrai que les nouvelles générations ont un peu plus de boulot, peut-être. Je ne sais pas. Je ne me rends pas compte. Ils ont tellement intégré que de toute façon on était jetable et qu'ils n'ont aucune raison de s'investir.
Ya : Je pense que c'est un mélange de plein de choses que vous venez de citer.
Alors, je suis très passionnée par la question de la transmission actuellement parce que je pense que c'est vraiment important aujourd'hui. Quoi transmettre et pourquoi... aux autres.
La technique, c'est la base avant d'aller chercher de nouvelles choses. Si on ne sait pas faire sa technique initiale bien comme il faut, on ne peut pas aller innover. On ne peut pas...
Yo : Là, ça, je l'entends dans le sens que je leur ai souvent dit, on ne réinvente pas ce qui a déjà été inventé, c'est dommage, ça ne sert à rien, il vaut mieux aller plus loin, commencez par savoir ce qui a été fait et ensuite aller plus loin. Mais si vous voulez réinventer ce qui a déjà été inventé pour les générations précédentes, vous perdez votre temps.
Ya : Oui. Moi, je pense que c'est important, ça.
Yo : Mais des fois, c'est compliqué d'intégrer vraiment ce que les générations précédentes ont réussi à fabriquer, à améliorer, parce que ça prend du temps.
Ya : Vous pouvez donner un exemple ici ? Avec ce que vous venez de dire ?
Yo : En couture, il y a plusieurs techniques. Il y a deux grosses techniques. Il y a tout ce qui est tailleur. La veste, c'est tout ce qui est très structuré. Et après, il y a le flou. C'est-à-dire, c'est plus la robe, c'est plus...
Un modèle de tailleur, il n'y en aura pas vraiment ici, parce qu'en fait, pour le tailleur, moi, c'est ma passion.
Ya : Le tailleur ?
Yo : Ça part même... Ça part même du pourpoint. Je pense qu’on en a un ici.
Le vrai pourpoint, on en a un, mais il est dans le couloir. Et encore, ce n'est pas vraiment le pourpoint, ça. Le pourpoint, vous voyez, c'est les hommes du XVIe.
Ils avaient même des renforts ici pour éviter les coups de couteau. Il y avait souvent ça parce que ça cachait le fait que la manche n'était pas montée de façon définitive, mais avec des œillets. C'est quand même très structuré parce qu'en fait, ça dérive de l'armure.
Et après, il y a eu ça, donc dans les XVIIe, XVIIIe, c'est un peu plus souple et c'est... Ça s'est allongé. Nous, on appelle ça d'un juste au corps.
Ce que nous, on dirait gilet maintenant. Autrefois, ça s'appelait une veste. Mais bon, en fait, il y avait la culotte qui s'arrêtait là, d'où les sans-culottes. Ils n’ont pas de culottes, ils ont des pantalons. Ils ne sont pas les fesses à l'air. (rires)
Et après, ça arrive, ça évolue, ça évolue, ça évolue et on arrive à ça.
Alors, soit long, plus ou moins long. On appelle ça des queues de morue. C'est très prisé pour faire 19e, mais là, je n'en ai pas actuellement.
Donc ça, c'est la queue de pie et ça a toujours été quelque chose de très formel, très habillé. Donc bon, voilà, c'est plus ça. Voilà.
Et il n'y a pas tout le travail du col là encore. Mais pour, à la fin, arriver à la veste tailleur qu'on connaît.
Est-ce qu'il y en aurait une belle là ? Tiens, voilà celle-là.
Voilà. Avec le costume, trois pièces souvent, gilet, pantalon et veste avec le col tailleur et tout le travail d'entoilage qui est dessous, mais qui dérive du pourpoint.
Du pourpoint et donc, en fait, le corps de l'homme est un peu embelli parce qu'on leur met des épaulettes pour faire les épaules plus larges. Bon, il y a des modes. Épaules plus larges et puis ça dépend du tailleur. Le tailleur anglais, le tailleur français, le tailleur italien ne sont pas exactement les mêmes coupes. Le tailleur américain est aussi différent. Mais quand même, ça dérive tout de ça et il y a tout ce travail de couture à l'intérieur pour qu'à la fin, ça ait l'air comme ça, super.
Et puis après, normalement, c'est sur mesure. Donc effectivement, si j'en ai une que j'ai mis de côté, si vous voyez l'intérieur, vous dites « Ah ben dis donc, le mec dedans, je ne sais pas à quoi il ressemblait, mais un côté, il devait être un peu chétif et un peu comme ça parce que vu tous les rembourrages qu'il y a, le tailleur, il a été bon. » Donc voilà, il y a tout ce travail-là et qui est assez fastidieux et long si on veut l'apprendre dans les règles.
Et après, il y a le flou. Alors, le flou, c'est la femme sous la plupart du temps dans les catégories d'avant. Et le flou, ça va être de la robe ou du chemisier, mais ça va être beaucoup plus… par exemple, ce genre de robe.
Voilà, ça, c'est moulant. Et après, il y a aussi les drapés qui, c'est un autre problème. Ça, c'est du drapé, mais ça, c'est du drapé bas de gamme.
C'est juste foncé, pas du vrai drapé. Voilà, tout ça, c'est du flou Ça, ça reste du tailleur un peu, parce que c'est quand même une robe un peu manteau. Dans la femme, il y a les deux.
Vraiment, les trucs typiques flous, c'est les choses légères qui glissent quand on les coupe, qui glissent quand on les monte. L'autre difficulté, c'est maîtriser la matière qui est fuyante. Voilà, mais c'est ça qui fait aussi que ça tombe après comme si ça coulait.
Un beau drapé, une belle robe, on a l'impression que ça coule ça tombe sur le corps comme s'il n'y avait rien et que ça tient miraculeusement. Donc, on ne doit pas voir le travail, mais il est là.
Ya : C'est un peu comme ça, de façon générale, en rapport avec le théâtre. On ne doit pas voir le travail technique qui est fait.
Yo : Oui, mais après, on a, enfin, tout ça, les gens, les jeunes, quand ils viennent, ils rêvent, on a tous rêvé de faire de belles robes de princesse. Et en fait, on se retrouve à faire actuellement vraiment beaucoup de contemporains ou des choses un peu bizarres.
Ya : Oui, en préparant mes questions, c'est ce que je m'étais dit, elle va sûrement me dire que beaucoup de costumes contemporains. Alors que c'est vrai quand on vient dans l'atelier de couture, on fantasme...
Yo : Oui, c'est ça. En fait, non, il n'y a pas de... Il n'y a pas de temps de souffler.
Donc, on en a eu fait, mais moins en moins de choses...
Ya : Du coup, vous pouvez me rappeler il y a combien de temps ?
Yo : Je suis rentrée ici ?
C'est... 2001. Fin 2000. En novembre 2001. Et avant, j'ai commencé réellement le costume en 1988, 87-88, dans cette époque-là. Et avant, j'ai fait mon apprentissage, j'ai appris mon métier. Au départ, c'était couturière. Donc, j'ai passé un CAP flou, un CAP tailleur.
Ya : Ah oui, donc on se spécialise...
Yo : Non, alors attends, c'était... Moi, ça n'a plus rien à voir par rapport à la formation actuelle, c'est plus ça.
Ya : Moi, ça m'intéresse, comment c'était la formation à l'époque ?
Yo : En fait, il n'y avait qu'une seule école pour le costume. Elle était à Paris, c'était l'école de la rue Blanche. Il y avait peut-être aussi le TNS qui devait avoir une formation costume du Théâtre de Strasbourg.
Et bon, moi, j'étais sur Lyon. Au départ, je voulais plutôt aller sur la mode. Du coup, j'avais fait CAP flou, CAP tailleur. Et puis, je me suis rendue compte que je n'étais pas vraiment faite pour ça. Essayer d'aller le plus vite possible, d'en faire le plus possible et de... de ne pas prendre le temps de réfléchir à ce qu'on fait.
Ou alors, je me suis aussi rendue compte que c'était très, très, très, très serré. Après, il fallait être sur Paris, il fallait avoir des appuis. Je veux dire, les gens qui sortent...
Les jeunes qui veulent faire de la mode, il y en a plein qui ont des super idées. Après, il faut qu'ils aient un financeur, des financeurs. Et si on n'a aucun appui, quand on vient d'une famille, des nobody de chez nobody, milieu ouvriers, paysans, on n'y arrivera pas.
Après, je me suis... Enfin, je veux dire, à un moment donné, j'ai bien vu ça. Et par contre, il y a eu une ouverture au niveau du spectacle vivant. À l'époque, on avait des TUC, travaux d'utilité collective. C'était les premières mises en place de stages spéciaux jeunes. Voilà.
Donc, avec deux CAP, on faisait encore un TUC, payé à coup de lance-pierre, qui n'est même pas reconnu maintenant pour la retraite. Mais bon, ce n'est pas grave. Ça m'a permis de rentrer dans le milieu, de rencontrer des gens de ce milieu.
Et puis finalement, au début, j'ai même fait plutôt de la lumière, des trucs qui étaient plutôt sur le plateau parce qu'ils avaient besoin de quelqu'un en stage pour faire ça. Et puis, petit à petit, là aussi, je me suis rendue compte à l'époque, on voulait bien me voir sur le plateau, on voulait bien me faire plier des câbles et démonter des trucs, porter des trucs. Mais de me payer pour ça, oh ben non.
Je n'étais qu'une bonne femme, enfin qu'une jeune fille à l'époque, pas formée spécialement. Mes collègues masculins n'étaient pas plus formés, on était tous à venir sur le tas. Mais bon, j'ai bien vite compris que voilà.
Et donc, je suis revenue au costume. De toute façon, au départ, c'était quand même ça que je voulais faire, du vêtement. Et j'ai rencontré des gens qui m'ont donné une chance au niveau de chez Galotta et tout ça. Et c'est comme ça que j'ai commencé à faire du costume, fabriquer, faire de l'habillage, tout le processus. Et progressivement, petit à petit, j'ai suivi des formations. J'étais déjà passionnée par l'histoire du vêtement, mais du coup, je me suis un peu plus formée là-dessus. J'ai suivi des modules. J'ai fait le module Hommes 16e-18e. Plus tard, j'ai réussi à suivre le module Hommes sur le tailleur, le tailleur contemporain.
Et tout ça m'a amenée à ce poste ici.
Ya : Et du coup, le poste techniquement ?
Yo : C'est un poste de chef d'atelier. Ça existe encore.
Ya : Je ne sais pas. Je ne suis pas dans la culture (du costume), donc je ne connais pas.
Yo : En accord avec le directeur technique, qui me passe les fiches de demande des compagnies, j'essaye de rencontrer les compagnies. Je ne le fais pas toute seule. Ma collègue participe aussi, mais je vais plus essayer de faire des devis de temps pour leur dire « dans le planning, ça pourrait rentrer. » On pourrait le faire en temps de temps. Est-ce qu'on est capable de le faire ? Est-ce qu'on est suffisamment ?
En général, il faut qu'on se débrouille avec ce qu'on est. De toute façon, un chef d'atelier, par exemple, dans un opéra house, un endroit où il y a encore de l'argent pour le moment, il prévoit les embauches en fonction des maquettes qui arrivent. Il dit que l'atelier ne va pas pouvoir suffire. Il y a tant de temps. Il règle les rendez-vous d'essayage. Avec le concepteur, ils vont faire les achats.
Ici, c'est un tout petit peu plus réduit. Ça nous arrive de guider un peu des compagnies dans les magasins qui sont à Grenoble. Après, on ne va pas aller à Paris. On n'est pas payé pour aller à Paris. C'est un peu compliqué parce qu'on doit aider les compagnies, guider les compagnies, mais en même temps, on a le travail d'atelier. C'est comme dans une grosse structure, un chef d'atelier n'est pas derrière la machine. Il gère. Là, ce n'est pas possible. Je suis aussi derrière la machine.
J'ai aussi mon nombre de costumes à faire. En fait, je n'ai pas quitté la caisse à outils. Ce qui me va assez bien. Des fois, c'est un peu compliqué à faire comprendre que là, je n'ai pas le temps de m'occuper de la compagnie de dans six mois parce qu'il faut que je finisse celle qui est en cours.
Mais bon, jusqu'à présent, j'ai réussi à jongler, à retomber sur mes pattes.
Ya : C'est la deuxième personne. Elle est employée ?
Yo : Non, non. Justine, elle est là depuis quelques années maintenant. Ça va bientôt faire sa quatrième année. Je l'ai eue en stage. Je l'ai eue en stage aussi pour faire son... Il y a un gros module fin de diplôme. Ça s'appelait l'UV20. Maintenant, ça existe sous un autre nom. Et où les élèves doivent réaliser un costume qui va jouer.
Donc là, c'était un spectacle qui se passait avec le conservatoire. C'est un spectacle très, très bien. C'était un Molière, Monsieur de Pourceaugnac. La prof avait vraiment une très bonne idée de mise en scène. Elle avait voulu le mettre dans le contemporain, mais pour rappeler le phénomène des bandes. Puisqu'en fait, ce pauvre M. de Pourceaugnac qui arrive de sa campagne, qu'on a dit qu'il avait épousé cette jeune fille, les mariages arrangés. Et en fait, il y a tout le gang de la jeune fille qui va faire en sorte que ça se passe mal pour lui.
Du coup, il y a vraiment ce phénomène-là. Et c'était l'idée. Il fallait créer ces costumes-là.
Je me suis dit, c'est des élèves. C'était que des élèves. Et c'était bien parce que c'est un spectacle. Ils ont mis leurs élèves comédiens. Ils ont mis des chanteurs puisqu'il y avait aussi un petit ballet. Il y avait vraiment la grosse comédie.
Donc c'était bien aussi. Voilà, c'est comme ça que je l'ai rencontré. Et quand il y a eu le jury, je me suis dit, ça pouvait le faire. Enfin, on a été plusieurs à décider. Je ne suis pas toute seule.
Ya : Donc vous n'êtes que deux.
Yo : On n'est que deux. Moi, quand je suis arrivée, on était trois. Et puis, quand il y en a une qui est partie en retraite, ils ne l'ont pas remplacée.
Donc on a été redevenus à deux. Et j'ai une collègue qui est partie.
Parce que c'est quand même très... On est deux. On rencontre des compagnies. On rencontre les gens qui viennent nous voir. Mais on est beaucoup seules quand même. La plupart du temps, on n'est que deux et seules.
Et ça peut peser au bout d'un moment. Ne pas voir du monde. Alors, au moment des essayages, on peut être dix là-bas parce qu'il peut y avoir le metteur en scène, le concepteur ou l'éclairagiste ou la personne qui va vraiment. Plus tous les comédiens qui, s'ils veulent tous se voir, on essaye de faire des essayages communs. Mais bon, la plupart du temps, on n'est que deux.
Donc il faut... Ça peut être un peu sclérosant d'être toujours en tête à tête comme ça.
Ya : Du coup, maintenant, ça fait quoi ? 23 ans ici ?
Yo : Ouais. Je compte plus.
Ya : Et... Qu'est-ce que vous pensez des espaces justement dans lesquels vous travaillez ?
C'est-à-dire les ateliers ?
Yo : Moi, j'aime bien le fait d'être en centre-ville. Parce qu'on a la mercerie, des merceries qui ne sont pas loin. J'avoue que c'est aussi... J'ai toujours travaillé dans les centres-villes. C'est le fait d'être dans des vieux bâtiments, des vieux murs. Moi, ça me va bien. Il y a une âme, quoi. On n'est pas dans des bâtiments... Donc la MC2, quoi... Tout béton, tout froid. Même s'il y a une histoire. La MC2, j'y ai travaillé dans les années 80.
Mais ce n’est quand même pas la même chose, quoi. On monte des escaliers, alors des fois, pour recevoir certaines personnes, parce que maintenant, on fait des ateliers participatifs, c'est un peu compliqué de faire monter certaines personnes jusqu'ici.
Mais bon, moi je trouve ça à son charme, ces vieux escaliers, tout ça. Après, je ne sais pas.
Ya : Des ateliers participatifs, ici ?
Yo : Oui, il y en a un petit peu, oui.
Ya : Vous faites quoi ?
Yo : Bon, c'était sur le thème de la saison, on a fait fabriquer des petites choses.
Il y avait un thème, je ne sais pas quoi, dans la saison. Je ne veux pas faire trop de bêtises. Et du coup, on a fait des masques de sommeil, parce que je crois qu'il y avait des gens sur scène, oui, qui écoutaient de la musique et tout ça, mais dans une position…
Donc, il y avait un côté cocooning. Et puis, il y avait le côté… Il y avait Les Gentils qui avaient leur spectacle sur… ça se passait sur les dieux de la mer et tout ça. Du coup, il y en a qui ont fabriqué un petit poisson. Un peluche-poisson.
Et puis d'autres qui ont fait un sac. Le truc le plus basique, le plus simple. C'était l'idée d'ouvrir les ateliers un peu au public.
Ça s'est fait en février sur les vacances scolaires. Donc, il y avait les ateliers parents-enfants et les ateliers adultes. Donc, c'était une innovation de l'année, quoi.
Mais il y a quand même toujours cet esprit-là. Je pense qu'aux Ateliers décor aussi, ils aimeraient qu'il y ait plus de participatifs. Et ça pourrait justement être bien que des compagnies viennent s'investir.
Après, ici, à la fonction publique, il y a une chose de compliquée. C'est tout ce qui est parapluie sécuritaire. C'est-à-dire, est-ce qu'ils sont assurés ? Qui va les assurer ? S'il y en a un qui tombe dans l'escalier et qui se fait mal, ça ne peut pas être très grave. Ici, il y a un Atelier de décor, c'est plus grave.
Il y a une machine à bois, ça coupe tes doigts vite fait. Mais c'est tout ça qu'il faut mettre… Mais l'idée de faire…
Nous, on a toujours eu, sur certains projets, la costumière qui était en charge par la compagnie, qui venait travailler avec nous. Mais c'est de moins en moins, puisque comme ils ne payent plus de costumière, ils nous demandent de tout faire. Parce que c'est dans l'air du temps, le fait que les gens veulent fabriquer, participer.
C'est bien ça. Mais on n'a pas… Là, c'est là que les locaux sont un peu difficiles.
Ya : Peut-être que les gens veulent faire participer aussi, parce qu'il y a un savoir-faire qui se perd. Je ne sais pas, je pose la question.
Yo : Il y a plein de cours de couture en ville, quand même.
Les trucs, le tricoté, le machin. Il y a plein d'endroits où on peut avoir vraiment des cours de couture. Il y en a.
Mais c'est l'idée aussi de venir travailler sur un spectacle, je pense. Moi, je dis pourquoi pas.
Ya : Peut-être aussi le bâtiment, d'avoir accès au bâtiment.
Yo : Oui, ça fait rêver. Oui, on va venir travailler dans l’atelier de costumes, ça fait rêver.
Ya : Ça fait toujours rêver ?
Yo : Oui, je crois.
Ya : Je pose la question à vous.
Yo : Ah, moi ?
J'avoue qu'on ne fabrique pas. Moi, ce que j'aime maintenant, qui me motive encore, c'est les contacts avec certaines compagnies, où on leur trouve des solutions sur des problèmes épineux, soit de changement rapide, soit... La dernière fois, c'était par exemple sur la compagnie La Pendue, des marionnettes.
Là aussi, j'ai mis une étudiante qui voulait faire son équivalent du V20 là-dessus. On a refait des fraises. C'est le truc autour du cou du 16e. Mais dans un contexte très différent, pour des marionnettes. Il y avait plein de petits trucs à trouver. Elle a un univers.
Son travail, il faut que je le revoie, parce qu'il est en évolution permanente. Le spectacle que je vais revoir dans quelques six mois, un an, ça ne sera plus le même. Il aura vraiment évolué, parce qu'il y avait plein de pistes qu'elle n'avait pas encore exploitées quand je l'ai vu.
C'est intéressant. C'est un travail exigeant au niveau de ces marionnettes. C'est incroyable le travail qu'elle fait dessus.
Le travail de peinture qu'elle a. Les visages. C'est précis.
Ça donne envie de se dépasser. Parce que c'est vraiment un travail exceptionnel qu'elle donne. Et sinon, c'est pareil.
C'est un spectacle qui va être très sympa. C'est La chèvre de Monsieur Seguin mais revue en un peu féministe.
Le chœur des chèvres derrière disent « Mais si, Blanquette, vas-y. Tu ne vas pas suivre, écouter Monsieur Seguin. Tu ne risques pas tant que ça. »
Je n'ai pas encore vu. Je n'ai pas encore eu le temps de le lire.
J'ai le texte. Là, on retombe sur le problème des moyens. À la fois, c'est sympa qu'elle joue chacune trois personnages.
Sauf Blanquette, qui est toujours Blanquette. Mais les autres, elles jouent au moins trois personnages, qui fait Seguin, je pense. Forcément, quelqu'un qui va faire Seguin. Je n'ai pas encore vu. Du coup, il faut trouver qu'avec leur tenue, elle bouge, elle soulève, elle met une cape qui est attachée derrière.
Et hop, ça change le personnage. Vraiment, ça change toute l'image. Là, on travaille avec une costumière qui est une conceptrice, qui est aussi une plasticienne, avec qui on a déjà travaillé pour d'autres compagnies, et qui a vraiment ce que j'appelle un bon œil.
Je trouve que les images qu'elle fabrique, elles nous poussent un peu. C'est vraiment bien. Ça change, quoi.
Ya : Oui, dès que ça sort de la simple tâche, que ça devient une réflexion. Que la technique sert à réfléchir.
Yo : Ou à trouver des solutions, et à créer des images qui vont parler. Pourquoi ? La question que des fois que je leur pose, c'est « pourquoi vous faites ça ? Pour dire quoi ? » Parce que moi, quand ça nous arrive de faire des maquettes, sur le prochain de... Comment elle s'appelle ?
Emeline Nguyen, danseuse, chorégraphe. Même pas mal, son prochain spectacle.
Mais je n'arrivais pas à savoir pourquoi. Pourquoi ?
Parce que si moi, je vais faire les maquettes, je ne suis pas au courant de pourquoi... Tout son cheminement par rapport à ça. Je ne peux pas tout lui proposer. Des contrastes dans les couleurs ou dans les formes, ou pas, ou rester dans le... Mais tout ça, il y a un « pourquoi »derrière. Il y a une intention derrière, normalement. Et quand ils nous font partager l'intention, c'est là que c'est intéressant. Voilà. Plus ça va, plus j'ai envie d'être dans cette partie de réflexion.
Moi aussi, j'aimerais bien reprendre des études. Reprendre des études sur pourquoi... Pourquoi le costume, le vêtement a évolué comme ça, ici, en Europe ?
Mais ailleurs, il a évolué autrement. On a tous à peu près deux jambes, deux bras, une tête. Pourquoi on a trouvé...
Il y a des solutions différentes qui sont trouvées par rapport aux matériaux qui sont disponibles. Mais il n'y a pas que ça.
C'est intéressant. Parce que la technique, il y a un moment...
J'ai toujours du plaisir à trouver des solutions. Mais par contre, quand tout le monde nous demande de copier une robe du commerce...
Ya : Quel effet ça fait ?
Yo : Bon, on va le faire. On va le faire. Ça sera fait. Ils seront contents. S'ils sont contents, tant mieux.
Ya : Pourquoi pas l'acheter à ce moment-là ? Pourquoi demander à un atelier de confection de le faire ?
Yo : Grande question. Mais l'idée quand même que nous, on ne nous paye pas. On est une subvention de la ville.
Ya : Alors, qui ça ? Les artistes ?
Yo : Les artistes.
D'accord. Voilà. Je pense que...
Bon, ils vont choisir... Si la copie, le modèle est copié, ils vont choisir leur tissu. Donc, ils auront un tissu qui colle avec ce qu'ils veulent.
Bon, on les conseille aussi pas mal là-dessus parce qu'il y a certaines matières, ça ne va pas donner ce qu'ils pensent. S'ils nous écoutent, c'est pas mal, déjà. Après, il y a toujours quand même une raison. Parce que sinon, oui, effectivement, vu le prix des choses dans le commerce actuellement, à moins d'aller dans la haute couture. Autrement, ce n’est pas très cher quand même.
Non, en général...
En général, c'est parce que je veux ça comme ça, mais je le veux dans cette couleur-là ou dans ce genre de tissu-là. Et puis, je veux qu'à un moment donné, il y a quand même une bidouille des fois de poche ou alors là, ça va aller par-dessus quelque chose d'autre. Il faut que ça colle avec ce qui est...
Il y a quand même toujours une raison. Mais c'est quand même... Pour moi, ce n’est pas du costume. C'est du vêtement.
Ya : Tiens, ce serait chouette de me dire pour vous, c'est quoi la distinction entre costume et vêtement ? C'est vrai, là. Vous faites la distinction, mais j'avoue que je n’avais pas tiqué que c'était deux choses différentes.
Yo : Eh bien, le vêtement, ça se porte en principe tous les jours pour se couvrir. En général, en fonction de la météo et de ses convictions aussi pour certaines personnes.
Mais c'est quelque chose de vraiment utilitaire. A priori. Bon, il y a toujours dans l'utilitaire de l'embellissement. Ça date des préhistoriques. Ils commençaient déjà à se mettre des coquillages qui n'étaient absolument pas utiles. Donc... Mais c'est le vêtement, c'est pour le tous les jours.
Des personnages publics, on peut presque dire, quand ils sont dans certaines situations, qu'ils sont en costume. Alors, il y a le costume d'homme, mais qu'ils sont aussi costumés. Parce que ça répond à une volonté de donner à voir. Qu'est-ce qu'on veut donner à voir ? Il y a ça derrière, mais à des degrés différents. Voilà, le costume sur scène, c'est vraiment le summum,cinéma aussi. Parce que tout ce qui est sur scène répond normalement à une intention. Ça a été réfléchi pour donner tel et tel effet, donner à penser telle ou telle chose. Il n'y a pas que le confort du comédien et puis bon, voilà, ça fait joli. Normalement, non. Normalement, c'est...
Ça répond à... Soit à une esthétique du spectacle. En danse, c'est souvent ça.
C'est aussi toutes les questions de pourquoi vous faites ça, qu'est-ce que vous voulez dire avec tel costume ou pas, avec telle couleur, avec telle forme. On tient compte des mouvements, on tient compte des besoins de ne pas être gênés.
Ou alors, des fois, il faut une cape parce qu'il faut une cape, parce qu'il faut se cacher ou je ne sais pas quoi. Enfin, il y a plein de raisons. Mais il y a quand même toujours l'intention de qu'est-ce que ça veut dire, qu'est-ce que ça va donner à voir aux spectateurs et dans quelle ambiance on veut mettre les gens. C'est comme tout ce qui est sur scène, la lumière, les décors, s'il y a de la vidéo, s'il y a tout ça. C'est pour donner une image.
Et cette image, c'est pour donner un sentiment, mettre les gens dans une certaine atmosphère. Parce qu'il y a quelque chose qui... Normalement, on veut dire quelque chose avec un spectacle.
Ya : Pour vous, le costume, il y a une intention derrière ?
Yo : Oui.
Ya : Non, non, je pose juste la question. J'aime bien cette distinction.
Est-ce qu'en 20 ans d'expérience, vu que vous êtes resté au même endroit, ça permet d'avoir une certaine expertise de ce qui s'est passé ces 20 dernières années, 23 années quand même.
Comment vous pouvez expliquer l'évolution de votre secteur par rapport au théâtre ? Parce qu'il y a les ateliers de décors, il y a l'atelier de confection. Est-ce que les artistes demandent des choses différemment ? Est-ce que la demande a évolué ? Est-ce que le costume, même, a changé de signification ? Enfin, pas de signification.
Yo : Non, je ne pense pas de signification. Mais alors, il y a un phénomène quand même que je trouve inquiétant. Ce n’est pas plus de deux ou trois personnes sur scène. On revient au spectacle des petites chèvres. Je ne sais pas si c'est des contraintes ou une volonté qu'elles fassent autant de changements et que ce soit autant les mêmes mais souvent. Il y a de plus en plus de changements rapides, de transformations. Donc, des contraintes techniques pour le costume. Parce que la personne doit jouer vraiment plusieurs rôles. Alors, des fois, c'est plusieurs rôles. Ça a toujours été des plusieurs rôles. Des fois, c'est voulu. Mais moi, j'ai l'impression que maintenant, c'est comme il n'y a plus de gros décors. Allez demander à mes collègues.
Vous interviewez aussi les collègues du décor. Ils sont un peu, des fois, tristounes de ne plus faire des grands décors. On a l'impression qu'il faut que les budgets soient réduits si on veut que le spectacle tourne, si on veut qu'il puisse passer de ci de là. Amener une grosse équipe, ça veut dire devoir loger, défrayer une grosse équipe, etc. Du coup, il y a quand même beaucoup de spectacles. On voit deux, trois comédiens. Deux, trois danseurs. Deux, trois... C'est vraiment le nombre. On dirait qu'au-delà de trois, en fait, ça ne va pas bouger. Ça ne va pas tourner. Dernièrement, il y avait un spectacle que je trouvais vraiment très bon.
C'était Si vous voulez bien passer à table ? de Grégory Faive. Je ne sais pas ce que la critique en a dit. Ils sont cinq, je crois. Si je ne me trompe pas.
Et il y a un décor. Parce qu'on voit l'arrière des cuisines, l'avant, et à un moment donné, on est même dans une espèce de spa. C'est le jeu.
Son histoire, c'était dans la salle de restaurant arrière, avant. C'est un théâtre. Pour lui, c'est comme un théâtre. C'est très intéressant comme parti pris. Je trouvais que c'était un très bon spectacle qui remplit. Les gens sortent contents. Et ça ne tourne pas tant que ça.
Ya : De façon générale, vous avez constaté autre chose ? Pas nécessairement en lien avec la couture directement, mais l'évolution du spectacle vivant ces 20 dernières années à Grenoble.
Yo : Cette espèce de réduction. Plus de spectacles avec beaucoup de monde sur scène.
Ya : A votre avis, ça a été un tournant à un moment ou ça s'est fait petit à petit ?
Yo : Progressivement. Mais là, maintenant, c'est très clair.
Ya : C'est clair, c'est officiel.
Yo : Plus ou moins.
Ya : A partir de Covid ?
Yo : Non, ça n'a pas de rapport avec le Covid.
Ya : Est-ce que visuellement, ça s'est... non, Vous l'avez dit, c'est progressif. Est-ce qu'il y a une période où ça s'est clairement marqué ?
Yo : Ces dernières années, oui. Je le vois vraiment.
Et on me l'a confirmé. Comment ça se fait que ça ne tourne pas ? Comment ça se fait qu'un bon spectacle ne tourne pas ? Il faudrait éplucher les programmes. Et voir combien il y a d'interprètes sur scène à chaque fois.
Ya : J'avoue, quand vous avez dit ça, j'ai vu des spectacles à la MC2 et il y avait du monde. Je crois que c'est peut-être en lien avec l'établissement.
Yo : Peut-être ? On n'est pas dans la même économie que les grosses scènes.
Ya : C'est pour ça que je dis ça. Ce ne sont pas les mêmes scènes. Les dimensions...
Yo : Après, il y a eu beaucoup de monde ici.
Ya : Qui dit couture, atelier de confection de couture pour un théâtre, ça parle aussi de la pénibilité du travail. C'est un métier technique. Le corps, comme tout, ça s'use. Quels sont les gestes les plus répétés ? Si c'est possible d'y répondre. Quelle partie du corps ça engage ? Le fait d'avoir un métier et de le pratiquer depuis des années, c'est un peu comme une seconde peau. En dehors de votre lieu de travail, comment ça continue d'habiter votre corps, cette carrière de couturière ?
Yo : J'ai des douleurs. Vu que les bras sont toujours plus en tension, ça fait un certain nombre d'années où je sens que dès qu'il y a du stress, forcément, et où il faut aller un peu plus vite, et où il faut être... Je vais avoir une douleur entre les omoplates qui revient sans arrêt. Je sais exactement quand elle arrive. Je le sens. Je la sens arriver. Après, c'est vraiment les bras. On est vraiment sur les bras.
Par contre, moi je suis debout, assise. J'aime beaucoup être debout, donc je suis beaucoup debout. Je passe souvent, tout le temps, assise devant ma machine, parce qu'il y a beaucoup de choses qu'on fait sur le mannequin, il y a beaucoup de choses qu'on fait sur la table de coupe, Des tables où on peut être debout devant. Donc ce n'est pas trop un problème d'être tout le temps assise. Je n'ai pas trop ce problème-là.
Mais c'est vraiment les bras, la tension dans les bras. Et du coup, je pense qu’il y a une douleur qui arrive très rapidement quand je force.
Les yeux aussi. Mais ça, c'est l'âge. Tout le monde perd la vue de près.
Ya : C'est connu dans la couture que les yeux…
Yo : Donc moi, je sais que je m'achète les meilleurs verres, qui coûtent très, très chers, desprogressifs. Parce que je veux vraiment y voir bien. Je ne veux pas avoir de différences.
Là, je peux regarder dans tous les sens.
Mais je n'avais aucun problème de vue. Je pouvais jusqu'à 35-40 ans. Par contre, je ne supporte pas de... Je sais que comme elles sont très chères mes lunettes, je ne les change pas plus que tous les 3-4 ans.
Là, j'ai une nouvelle paire. Et il y a un mois, je me disais « il faut vraiment que tu changes. Ce n'est pas possible. » Je ne peux pas distinguer un fil noir sur un tissu noir. Il faut qu'on voitdes choses très précises. Je vais avoir besoin d'une acuité visuelle. À un moment donné, les lunettes ne pourront plus faire tout. Je peux encore améliorer en changeant de lunettes. Mais je pense qu'à un moment donné, ça va être là.
Il y a des choses, maintenant, je sens. Là, à nouveau, je vois bien avec ces nouvelles lunettes. L'hiver dernier, je me rendais compte que j'étais plus sur la sensation que sur la vue.
Je savais ce que je faisais par rapport à la sensation.
Parce que la vue, elle n'était pas suffisante. Après, il y a aussi les couleurs. Des fois, je me dis, est-ce que tu vois vraiment les bonnes couleurs ?
Est-ce que... Du coup, je demande un peu.
Ya : Oh, le stress. (rires)
Yo : Après, il y a les éclairages qui changent tout.
Du coup, ils acceptent qu'on sorte à la lumière du jour. Parce qu'au moins, on peut se référer à une chose, à la lumière du jour. Après, ils peuvent mettre n'importe quel éclairage dessus, sur scène. Mais si on l'a fait correct à la lumière du jour, on n'est pas responsable des filtres qu'ils vont mettre.
Ya : C'est très intéressant. Je n'avais pas noté ce détail.
D'ailleurs, je me disais que les régisseurs, il faudrait que je leur demande. Quand ils travaillent toutes les journées, ils sont quand même dans une salle où il n'y a pas de fenêtre. Il n'y a pas de lumière. Quand il y a un montage, ça joue sur la perception sensible des yeux. Et là, je me dis que c'est vrai. Elles ont des fenêtres, donc elles travaillent à la lumière du jour.
Yo : Après, un bon concepteur, normalement, il travaille… Un scénographe, qui doit faire le lien entre tout le monde, est censé travailler en accord, va donner des directions à l'éclairagiste. Il est censé aussi, quand il fait sa conception, songer déjà à la lumière qui va être dessus.
Du coup, ça, c'est dans l'idéal de l'idéal. Et donc, commencer à se dire qu'on va l'éclairer un peu comme ça parce que dans cette scène, il va falloir que ça soit éclairé comme ça par rapport à tout le reste. Et donc, les costumes, ça ne sert à rien de mettre cette couleur parce qu'elle va être complètement transformée.
Ou alors, au contraire, il faut cette couleur parce qu'avec cet éclairage-là. Tout ça, normalement, c'est censé être bien réfléchi. Nous, j'avoue qu'à l'atelier, je ne sais pas si j'aurai toutes les compétences pour le faire et même si j'ai quelques notions de lumière et d'éclairage, mais quand même peut-être pas assez. Et en plus, oui, on travaille à la lumière du jour parce qu'on ne sait pas ce qu'ils vont mettre dessus.
Donc du coup, ça ne sert à rien de... On ne peut pas échafauder ça. Ça, c'est le truc.
Du coup, la lumière du jour, c'est un peu la base. Et après, ils vont rajouter... Ils vont éclairer plus ou moins. Ils vont mettre des filtres. Voilà. Du coup, c'est eux qui vont...
Ils interviennent après parce que forcément, nous, on a le temps de fabrication, le temps de recherche des matières, de la conception, des recherches des matières, de la fabrication. Ça prend toujours plus de temps. Il faut toujours que ça soit fait assez en amont du moment où ils vont vraiment créer le spectacle sur scène et donc l'éclairage.
Encore que là, avec les artistes associés, souvent, ils ont déjà... Par exemple, moi, j'ai déjà vu une sortie de résidence de Même Pas Mal en... Je ne sais plus... en mars 2024. Du coup, il y a dû y avoir un minimum de travail d'éclairage de fait.
Mais en gros, on va en principe dire, l'éclairagiste s'adapte à ce qu'il voit sur scène. Bon, quelques fois, quand on est... Quand je n'étais pas ici, mais intermittente et que je travaillais pour des compagnies où on était plus ou moins une équipe, du coup, je connaissais l'éclairagiste, je connaissais plus le metteur en scène et tout ça. Je pouvais déjà soumettre mes maquettes aussi à l'éclairagiste et lui dire « est-ce que là, je peux aller dans ce sens-là ? Qu'est-ce que tu vas mettre dessus ? Ou est-ce que... » Discuter, pour voir aussi avec le décor si tout s'harmonise. Mais ça, moi, à ma place, ici, je ne peux plus.
C'est ça que j'essaye de faire comprendre. Je peux proposer des maquettes à un chorégraphe, à un metteur en scène, mais je n'ai pas ce travail de compagnie. Je ne peux pas.
Parce que moi, je ne vais pas les suivre et aller à leurs répétitions, prendre huit jours pour aller pendant huit jours, s'ils sont en résidence ailleurs, suivre toutes les répétitions. Non, parce qu'on est sur autre chose en même temps ici. C'est un travail d'atelier. Et c'est en ça qu'on peut les aider, on peut l'éditer, je peux faire des maquettes. Mais déjà, si on ne me donne pas l'intention, ça ne va pas être simple. Mais en plus, je ne vais pas... Bon, j'ai vu la sortie de résidence, voilà. Mais entre la sortie de résidence de mars et ce qui va être créé cet automne, il va se passer du temps, il va y avoir de l'évolution. Voilà.
Mais c'est normal. Enfin, moi, je ne suis pas frustrée de tout ça. Parce que le travail en atelier et le travail comme concepteur indépendant qui suit des compagnies, ce n'est pas le même. Je sais pourquoi je suis venue en atelier et pourquoi j'ai lâché cette partie-là. C'était un choix à un moment donné dans ma vie.
Du coup, je ne suis pas... Je n'ai pas de regrets, de... C'est juste, quand on me demande de faire des maquettes, je me dis « oui mais donnez-moi tous les éléments. » Parce que... Voilà. Mais sinon, moi, ça me va très bien. J'ai vraiment aimé plusieurs concepteurs que j'ai vus passer. C'est toujours un enrichissement. C'est toujours...
Tiens, ben... On a tous des tics, des tocs, des habitudes. On ne va pas réinventer tout le temps sa création. C'est hyper difficile. On est ce qu'on est. Du coup, travailler avec des concepteurs différents, ça apporte énormément des éclairages différents. « Tiens, lui, il l'a vu comme ça. Ah, c'est intéressant. Je ne l'aurais jamais vu comme ça. Ou alors, ah oui, ce choix de matière. » Je me souviens d'une fois, on appelle ça l'échantillonnage sur une maquette. J'ai vu les tissus...
Ouais, bon... Et après, ce que ça donnait, c'était génial. Je me suis dit que jamais j'aurais mis ça avec ça. Et ça le faisait. Et ça, cette découverte-là, rien que pour ça. Je me suis dit « ah, super de travailler avec cette personne. »
Ya : Est-ce que c'est possible d'expliquer comment ça se passe votre travail, les étapes de votre travail à partir du moment où un projet arrive ?
Yo : On a des consignes. De toute façon, nous, c'est la direction qui choisit pour qui tout le monde va travailler. Donc, il y a trois artistes associés.
Donc, s'ils ont une création dans l'année, forcément. À moins que vraiment, ils aient déjà leur staff et qu'ils veuillent, pour raison X, Y, qu'ils aient l'habitude de travailler avec leurs équipes. On n'interviendra peut-être que pour faire quelques retouches finales, mais en gros, il y a des costumiers qui ne travaillent qu'avec des achats.
Du coup, ça, ça existe. Mais sinon, on va forcément participer à la création des artistes associés si elle se fait dans la maison. Après, il y a d'autres créations qu’on appelle maison, qui sont faites et créées ici, qui ne sont pas forcément des artistes associés.
Mais à partir du moment où c'est créé ici, hop, on leur ouvre les ateliers. Et après, avec le temps qui reste, parce que ça, ça ne remplit pas forcément une saison d'atelier. Là, par exemple, Ravie, Les chèvres de M.Seguin, ça n'est pas une création maison. Mais là aussi, c'est des choix. Alors ça, c'est bien expliqué maintenant et ça va être encore plus sur le site.
Les compagnies font des demandes en ligne. Les compagnies hors artistes associés et création de la maison font des demandes en ligne pour avoir les ateliers. Donc ça, ça va être vraiment très, très bien expliqué, comment et sous quels critères ils sont choisis ou pas.
En gros, ça rentre dans la ligne, pas la ligne éditoriale, mais un peu la ligne directrice de notre directrice. Elle a des thèmes chaque année et donc ça rentre dans ces thèmes-là. Et après, il vérifie aussi qu'on ne va pas fabriquer des costumes pendant des mois et des mois sur une compagnie qui n'a pas de... Il faut aussi que ce soit en corrélation.
Si la compagnie n’est pas soutenue ailleurs, n'a pas des projets de date. On ne va pas non plus donner des mois d'atelier. Parce qu'on a travaillé comme ça pour des spectacles qui n'ont pas joué, quasiment pas. À un moment donné, il faut que ça soit proportionnel. Le même que les subventions, en général, ça va ensemble. Il y a la subvention mairie, la subvention département, la subvention région. Souvent, ils vont ensemble sur un projet. Nous, on est une subvention. Ce travail-là, c'est une subvention.
Donc c'est un peu choisi...
Ya : Un costume, justement, dont vous êtes peut-être particulièrement fière ? Je ne sais pas, ou une création pour le costume, les intentions, le travail que ça a demandé.
Yo : Le problème, c'est que là, je ne peux pas me souvenir de tout.
Ya : Je me doute.
Yo : Il faudrait que je revoie des images ou que ça redéfile.
Ya : Vous avez archivé ça ?
Yo : Oui.
Ya : Et du coup, vous photographiez ?
Yo : Alors, on a des photos, un peu. Mais moi, j'ai surtout archivé les patrons par création. Alors dedans, il peut y avoir des maquettes, dedans il peut y avoir des photos. Non, parce qu'il faudrait l'imprimer.
Ya : C'est dans un bureau avec des classeurs ?
Yo : Non, c'est là. Ici, on coupe le courant parce qu'on a peur du feu.
Ya : J'adore. J'adore. Cette phrase est magnifique. (rires)
Yo : C'était dans l'atelier, mais comme tout prend de la place.
Ya : Ça, c'est les patrons de chaque année ?
Yo : Oui, de chaque saison. On fonctionne par saison, de septembre à juillet.
Ya : Vous pouvez remonter comme ça jusqu'à quand ?
Yo : Moi, depuis que je suis arrivée, je fais ça.
Ya : Et la personne d'avant ?
Yo : Non, pas trop. Parce qu'en fait, on ne fonctionnait pas pareil.
Ya : C'est cool. Ça peut paraître stupide de poser cette question, mais qu'est-ce qui vous a poussé à faire ça alors que la personne d'avant ne l'avait pas fait ?
Yo : J'avais remarqué aussi que moi, parce que je le faisais quand j'étais intermittente, je faisais des dossiers par création, par compagnie, et je stockais. Parce que je pouvais revoir certains interprètes. Et donc, quand j'avais fait un patron de base, en principe, les gens ne bougent pas comme ça non plus. Donc, ne pas avoir à tout refaire. Pouvoir repartir sur une base. S'il faut refaire des costumes parce qu'ils ont été endommagés ou parce qu'ils ont changé d'interprète, on a de quoi se référer. Parce que c'est la seule chose qui nous reste.
C'est très compliqué. On prend des photos. Alors maintenant, on a notre téléphone.
Donc déjà, avant, il fallait avoir un appareil photo qu'on n'avait pas toujours. Puis être là au moment.
Ya : Puis un patron, c'est l'avantage, on recommence direct. Il est fait.
Yo : Oui, voilà. Après, c'est vrai que ça serait bien de faire des vrais. Mais ça demande tellement d'énergie, de temps aussi.
Ya : Et quand vous les avez archivés, vous avez mis le nom de la compagnie, le projet à chaque fois ?
Yo : Là, c'était le conservatoire… spectacle particulier ?
Ya : Ou un spectacle qui vous a marqué ? Quand vous êtes arrivée, comment ?
Yo : Quand je suis arrivée, il y a eu assez rapidement un spectacle pour Yvon Chaix. Ça se passait au 16e. C'était Marie Stuart. C'est une histoire entre Élisabeth et Marie Stuart. C'était au temps des derniers jours de Marie Stuart. Elle est dans sa prison. Il y avait aussi des changements. Ils voulaient qu'Élisabeth ait l'air d'arriver derrière à cheval. Les deux cousines, c'est un peu un face-à-face autour de la couronne d'Angleterre. Et donc, on a fait vraiment des robes 16e, baleinées avec des tissus qui avaient été cherchés.
Ya : C'était quelle année ?
Yo : C'était fin 2001, début 2002.
Ya : Au tout début, vous veniez d'arriver.
Yo : C'était sympa d'avoir ça tout de suite. Ensuite, tout ce qui s'est passé. On a eu plusieurs fois des marionnettes, même des marionnettes à habiller un peu avec des vêtements du 16e, 17e. Le spectacle qui s'appelle Tout va s’arranger, où il y avait Grégory Faive. On va croire que je n'aime travailler qu'avec lui, mais bon. Ce n'est pas le cas.
Et où on a fait des robes. Lui, il a carrément pris tout ça. J'avais aussi fait la création avec Grégory, parce que lui, il a aussi un bon œil sur le costume. Il a vraiment son mot à dire là-dessus.
Alors, je les ai mis où, là, en partie.
Voilà. Donc là, robe perlée avec des tissus qu'il avait été chercher aussi à Lyon. J'avais dit, « Elles savent, les dames, qu'il va falloir qu'elles arrêtent les perles ?» « Oui, elles savent, elles vont le faire. » Alors, attendez, je vais vous les sortir. C'est un peu ce qu'on a fait de plus joli depuis longtemps.
Ya : Ça date de quand ?
Yo : Faudrait que j'aille voir là.
Donc ça, c'était un personnage. En fait, toute la pièce se passe en vêtements de répétition. C'est la question, vraiment les grosses questions d'un metteur en scène d'aujourd'hui.
J'ai ma première, mon rôle principal qui a envie de se barrer. Moi, je ne sais même pas si j'ai les moyens de continuer, etc. Du coup, tout va s'arranger. C'est-à-dire que le spectacle va se monter. Et à la fin, il y a le final.
Il y a le final. Et donc, tout le monde est habillé comme... Voilà, c'est vraiment comme la comédie musicale.
Donc, ceci et celle-ci.
Le serrurier : Même les hommes ?
Yo : Oui, ils avaient des costumes. Ils avaient des costumes brillants. Des costumes d’homme...
Voilà. Et celle-là, par exemple, ça a été vraiment... Celle-là, je suis venue la faire ici parce que c'était en été.
Et sous les éclairages, une horreur, ça brille et ça éblouit. Donc, sur la table, là. Parce que là, en fait, c'est des lignes de perles.
Et si on tire d'un côté, quand on se découpe là, ça partait très vite toute la rangée. Donc, il fallait vraiment là arrêter ici, arrêter ici à chaque fois. Donc, j'ai préparé tous ces modèles.
Moi, je n'avais rien à dire à personne. C'est moi qui avais dessiné cette robe. Donc, je ne m'en prenais qu'à moi-même. (rires)
C'est le travail qu'il y avait à faire dessus.
Et l'autre, un peu plus simple, c'est un peu la robe sirène.
Là, les paillettes, c'est des paillettes modernes. En fait, on peut couper, monter. Il n'y a pas besoin d'arrêter. Il n'y a rien qui part. Voilà. Et tout ça marchait très bien, fonctionnait très bien. Même si ce n'était que le final.
[…] Dans le stock de costumes.
Yo : Après, il y a des choses moins retentissantes, moins spectaculaires, qui sont tout aussi bien.
Ya : Oui, oui, bien sûr.
Yo : Mais bon, après, nous, on a très peu de choses qu'on a fabriquées ici.
Ya : Très peu de choses que vous avez fabriquées ici ?
Yo : Oui, en fait, là, il y a une partie, c'est l'ancien stock de la MC2 qu'ils nous ont donné quand ils ont fait les travaux, parce que ça les débarrassait.
Ya : Voilà.
Yo : Et on leur a demandé des années et des années. Maintenant, ça fait plus de 10 ans, les travaux de la MC2. Du coup, voilà, on leur a demandé, demandé, ils ne les veulent plus.
Et puis, il y a aussi un stock.
Ya : Ils ne les veulent plus ?
Yo : Non, il y a un stock de costumes qui vient d'une date, de l'époque où il y avait aussi des créations ici.
Il y a eu toute une période. Il y a eu différentes périodes au Théâtre Municipal. Il y a eu une période où il y avait des créations, voire même des opéras, des opérettes.
Il y avait même un décorateur, un vrai décorateur, qui faisait des maquettes de décors, qui, du coup, signait aussi les costumes, qui faisait une maquette de costumes. Et puis, il y a eu d'autres périodes où c'était du théâtre privé parisien. Et nous, on continuait de travailler.
L'atelier est là depuis 1972, donc il n'a jamais cessé. Et c'était à ce moment-là, nous, on travaillait vraiment pour la création locale. Et du coup, le Poche et le 145 ont été dans le giron du théâtre municipal, hors du giron théâtre municipal.
Mais en gros, c'était pour ces scènes-là qu'on travaillait, ou extérieur, pour des compagnies qui bénéficiaient des ateliers. Il y a toujours eu le même principe, sauf que maintenant, moi, je trouve ça vraiment bien. Il y a ces créations maison, ces artistes associés, où on a vraiment l'impression de faire partie de…
Il y avait une scission, quand il y avait cette programmation du TMG, qui était vraiment théâtre privé parisien, et nous, qui travaillions pour la scène locale. En gros, presque, on ne travaillait pas dans le même théâtre. On ne travaillait pas pour les mêmes personnes, on n'avait pas les mêmes temporalités, ni rien du tout. Et c'est vrai que maintenant, moi, j'étais très contente de voir nos créations, j'appelle ça nos créations, mais dans la plaquette.
Ça veut dire que, bon, voilà, on était tous dans la même plaquette. Ça a été progressif, mais là, maintenant, c'est vraiment ça. Du coup, c'est quand même plus valorisant, et puis on fait partie du même ensemble.
Ya : Et les plus vieux costumes, à votre avis, ils sont vieux de combien de temps ?
Yo : L'atelier, il date de 1972.
Ya : L'atelier n'existait pas avant 1972 ?
Yo : 1972, non.
Ya : Ça m'étonne pour un Grand Théâtre.
Yo : Enfin, je ne saurais pas dire pourquoi. Là, il faut se pencher sur comment le spectacle vivant a évolué en province. Parce qu'il y avait quand même, à l'époque, une différence Paris-Province, c’est la décentralisation, c'est le Théâtre Villard, qui a créé Avignon, les TNP, c'était aussi pour dire, après-guerre, donc après la Seconde Guerre mondiale. Seulement, il fallait qu'il y ait aussi du théâtre qui se créait en province. Il y a eu toute cette émulation culture populaire et tout ça, qui n'existait pas avant la Seconde Guerre mondiale, où en gros, les tournées partaient de Paris, j'imagine. Et puis, aller porter la bonne parole culturelle parisienne dans là où c’est reculer.
Ya : Ok, d'accord. Oui, je ne sais pas, j'avoue, j'imagine un Grand Théâtre comme ça, qui aplus de 250 ans, je me dis, un atelier couture, oui, mais en fait, non. Oui, c'est intéressant.
Yo : Je ne sais pas, il faudrait voir. Alors, il y a Maïlys, qui a vraiment travaillé sur l'histoire du théâtre, qui pourra peut-être un peu plus en parler, lui dire comment elle a retrouvé des vieux programmes et tout ça. Après, je ne sais pas s'ils ont archivé des choses de 250 ans.
Ya : Je ne sais pas, mais en tout cas, c'était pour voir. C'est fini. J'ai encore une ou deux questions, puis après, j'arrête là.
Qu'est-ce qui, vu que c'est un bâtiment historique, et que, comme vous le disiez...
Yo : Il est classé, oui. Oui, il est classé.
Ya : Et en plus, comme vous le disiez, il y a une âme à ce bâtiment, donc c'est un plaisir quand même de venir travailler ici.
Quels sont les éléments de ce bâtiment qui vous touchent particulièrement ? Qui vous plaît ? A vous, votre sensibilité ?
Vous dites « ha, j'aime bien voir ça. »
Yo : Même si nos étages, ce n'est pas un 4 étages, c'est plutôt un 6 étages, mais quand même.On passe le premier étage, c'est l'étage noble, où il y a carrément, en fait, c'est un étage qui pourrait s'unir en deux. Il y a une mezzanine au premier étage, je l'ai déjà visitée. On tient debout dedans.
Et ça, c'est toute une histoire, quoi. Ici, nous, on était un peu vraiment dans les chambres... Enfin, même au-dessus, il y avait encore une espèce de grenier qui pouvait faire chambre de bonne.
En fait au 16e, surtout 17e, 18e siècle, de ce que je sais, parce que je ne suis pas une historienne, la société était... Il n'y avait pas des quartiers, pas tant que ça. C'était dans les étages que ça se distinguait.
L'étage noble, c'était l'étage noble, qui plus on montait... plus c'était pauvre. Plus c'était pauvre, parce que plus il fallait monter.
Encore qu'à l'étage noble, s'il y avait une mezzanine, je ne sais pas de quand elle date, si ça se trouve, ils logeaient aussi leurs personnels dedans. Voilà. Et tout ça, c'est...
Oui, c'était comme ça, c'est une autre époque. Et maintenant, on le fait vivre autrement. Alors oui, ce n’est pas très pratique, surtout. Ça aurait besoin d'être isolé.
Oui, il y a beaucoup de poussière ici. Après, qu'est-ce que j'aime le plus ? On a la vue sur le jardin de ville, quand même.
On voit les toits, quand on est tout en haut. Bon, ici, on voit l’Isère, Sainte-Marie d'en-Haut, là-bas.
Et de l'autre côté, on va y aller.
On va dans l’espace couture où on retrouve Justine Pitarch.
Et tous ces petits recoins aussi. C'était différent de... de maintenant, quoi. Et là, on a vue sur le jardin de ville, ces bâtiments magnifiques.
L'église Saint-André. Voilà, tout ça, c'est... Ça parle d'histoire.
Dans l'histoire du costume, ça parle aussi.
Ya : Est-ce que ça communique avec les autres... les autres secteurs ?
Je sais que, par exemple, je parlais avec l'atelier décors, et eux, ils m'expliquaient que comme ils étaient un petit peu... de par leur situation, l'emplacement où ils sont, ils sont essentiellement habitués à communiquer avec les artistes, et pas trop avec les autres. Alors du coup, pour voir plus ou moins un peu. Est-ce que vous êtes souvent amenés à parler avec les autres ?
Yo : L'avantage d'être au centre-ville et d'être un peu dans la maison-mère, c'est que nous, on descend deux étages, et on a les bureaux. On peut aller communiquer directement avec eux. Des fois, ils ont besoin de quelque chose, ils montent.
On veut aller sur le plateau, ici. Ce n’est pas bien compliqué. On traverse les bureaux, on traverse le machin, et on arrive ici.
C'est vrai que le fait d'être dans cette position un peu centrale, bon, ça... L'idéal, ce serait effectivement que les collègues de l'atelier décors soient aussi regroupés. C'était une volonté de la direction aussi, qu'on soit tous dans le même endroit.
Mais bon, là, ça serait compliqué, ici. Les ateliers décors, c'est rarement près du théâtre parce qu'il leur faut des espaces.
Ya : La place, puis du bruit.
Yo : Il y a du bruit, il y a des machines particulières. Et c'est vrai que c'est un peu dommage. Bah, Justine, toi, t'as eu l'occasion d'aller faire un peu...
Bon, c'est froid. Mais d'aller travailler un peu un corset là-bas, avec le scénographe. Ça, c'était bien.
Je pense qu'ils ont apprécié, toi aussi.
J : Bah oui, parce que comme ça, on voit un peu les collègues et on voit dans quelle ambiance ils travaillent. C'était intéressant. Et puis de travailler aussi avec le scénographe.
Ya : Ah, désolé, j'enregistre. C'est pour faire des archives.
Pour avoir des traces, justement, de ce qui se passe à notre époque, ici, voilà.
Yo : Oui, c'est la suite du travail de Maïlys. Parce qu'elle n'avait pas fait d'interview. Parce qu'on nous l'avait dit, je crois qu'elle nous a dit que c'est carrément tout un travail, les interviews.
Ya : C'est un travail à part.
J : In situ.
Ya : Oui, exactement. Alors, qu'est-ce que vous avez à dire de l'état du bâtiment, ilcommence un peu à vieillir?
Yo : Ça fait un peu longtemps maintenant qu'il y a eu un dégât des eaux parce qu'en fait, la toiture, elle serait à refaire. Donc, de temps en temps, ils vont réparer morceau par morceau. Ils vont peut-être avoir fini par tout réparer.
Et du coup, quand il pleut beaucoup... Là, on n'a plus trop... J'ai l'impression que les morceaux ont été réparés.
Parce qu'à un moment donné, on mettait des cuvettes là et on en mettait aussi au niveau du stock, ce qui est un peu pénible parce que le stock, il faudrait quasiment aller voir chaque fois qu'il pleut pour voir si ça coule. Parce que c'est un peu gênant quand même sur les costumes. Et voilà, ils ont réparé la toiture.
Donc, ça ne fuit plus. Il n'y a plus d'humidité. Mais voilà, c'est dans cet état.
Sachant que là, il y a eu un travail de fait avant que j'arrive. Donc, ça fait plus de 20 ans, 25 ans, je pense, d'abaissement de plafond, ce qui quand même permet de chauffer plus facilement l'hiver. Et puis, ça a aussi fait l'isolation parce que nous, on a le grenier direct.
Donc l'été, la chaleur, on l'a... Donc ici, dans l'idéal, il faudrait isoler. Un gros travail d'isolation.
Pareil, c'était un double vitrage qui date des années 80. Donc maintenant, il y a quand même mieux. Puis l'hiver, on sent le froid qui rentre.
Elles ne sont plus très étanches. C'est une menuiserie. Et l'été, on a beau descendre des rideaux, fermer...
Ya : Pourtant, c’est de la pierre, c'est bien épais.
Yo : Oui, mais c'est par les fenêtres. Et la toiture aussi. C'est vrai qu'il faudrait isoler un peu plus les plafonds.
Ya : Du coup, je crois que tout à l'heure, on l'avait vite fait toucher. Est-ce qu'on vous fait faire des choses autres que de la couture en lien avec l'atelier confection couture ?
Yo : Non, c'est toujours... On va dire qu'on est toujours sur du matériau souple. Donc... Les costumes, il y a les corsets. Justement, c'est faire des corsets.
Peut-être, ça serait bien de les présenter.
J : Vous avez vu les corsets ?
Yo : Non, on n'a pas...
On a vu le stock en général, mais pas spécialement ce projet-là. Si on veut parler d'un projet qui soit costume, mais pas couture.
Voilà. Mais c'est costume. Et après, sinon, nous, on fait tout ce qui est matériau souple.
C'est-à-dire qu'on répare aussi du pendrillon de scène. On peut... On avait fait des milliards de coussins.
Je dis des milliards parce que ça nous avait paru des milliards. Oui. Pour des assises de jeunes publics en serpentin.
Donc, on a bien conscience qu'il faut que ce soit non-feu, tous ces trucs-là. Mais c'était quand même du textile. Voilà.
On a fait pour Rouge Carmin, on a travaillé sur une tente. Faite de plein de tissus. De plein de tissus différents. Et cette tente, elle a joué.
Enfin, elle a été postée dans des lieux différents pour recueillir des paroles puisque c'était... Rouge Carmin, le thème, c'était... C'est Emeline Nguyen, l'une des artistes associées.
C'était un peu son premier... Quand elle est arrivée, son premier spectacle. Et donc, c'était recueillir des paroles au sujet des menstruations féminines.
Du coup, c'était une espèce de petite tente avec plein de tissus différents rouges et où elle voulait recueillir des paroles dans un lieu un peu isolé, calfeutré. Et ça a fonctionné, je pense, parce qu'ils s'en sont même servis après.
Il y a eu des échantillons de ça dans le spectacle. Cette tente-là, elle a voyagé un peu en cours de collège, en lieu... Je crois qu'à Eybens, elle a été placée dans un endroit où...
Ça fait comme un grand hall, le théâtre, il est... Comme il est fait, il y a aussi plein d'autres structures et donc il y a de la place pour poser ça.
Après, c'était peut-être un lieu d'exposition, je ne sais plus trop, mais bon. En tout cas, au départ, c'était ça. Donc, on a fabriqué cette tente avec des stagiaires.
Il y a eu pas mal de stagiaires sur ce coup-là. Et puis, qu'est-ce qu'on a fait d’autre ? Ah oui, oui, avec du calque. C'était...
Ya : Du papier calque ?
Yo : Du papier calque en grand rouleau pour que ça fasse des caps qui font un...
J : Une espèce de tente, en fait.
Yo : Ouais. Et puis, ça fait du bruit. C'est un bruit particulier et puis, ça leur permettait de la poser et puis elle tenait un peu toute seule.
C'était presque un accessoire scénographique. Mais ça se craquait.
Je suis en train de scotcher ce machin. J'avoue que je n’ai pas été fan.
J : Oui, c'est autre chose que du textile, quoi. Voilà. Ça changeait. Sinon... Ouais, voilà.
Ya : Vous passez au Poche aujourd'hui ou pas ? Comme je vous avais vu l’autre fois.
J : En fait, moi, je fais de temps en temps de l'habillage ici.
Du coup, selon les besoins des compagnies, je suis appelée soit ici, en bas, soit au 145, au Poche pour faire de l'habillage.
Ya : Vous faites encore de l'habillage, vous?
Yo : Non. En principe, non. Sauf s'il y a besoin et que Justine n'est pas là. Mais sinon, en principe, non, j'en fais plus.
Ya : OK. Donc, est-ce que vous allez dans les... À part pour le moment d'habillage, est-ce que vous êtes amenée à devoir aller dans les salles au 145 et Théâtre de Poche ?
Yo : Oui, on peut même faire des... Ça nous arrive d'aller faire des essayages là-bas ou de... Non, déjà d'aller voir un peu des morceaux de répétition s'il y a besoin et puis d'aller faire des essayages sur place, d'amener des costumes pour leur éviter de...
Enfin, c'est un calcul. Est-ce que ça... Qui gagne et qui perd du temps ?
Ya : Qu'est-ce que vous inspire ces salles, au 145 ? Enfin, chacune.
Yo : Au 145, ce n’est pas vraiment un théâtre. Ça, c'était un lieu de travail. C'était une fabrique. Et c'est vrai que...
Moi, en tant que spectateur, j'ai attendu dehors plus ou moins sous la pluie, donc... Pas drôle parce qu'il n'y a pas de hall assez grand pour que les gens puissent attendre dans un hall parce que c'est ça le but du hall dans un théâtre, c'est de pouvoir attendre à l'abri le temps que les portes s'ouvrent et que les gens puissent rentrer dans le calme. Donc, j'aurais ça. Sinon, en tant que scène, en tant que... Quand on est en public, c'est... Ça va, quoi. Enfin, rapport scène-salle, c'est correct.
Ils se sont bien débrouillés avec le bâtiment qu'ils avaient. Le Poche, c'est un autre rapport, mais ça fonctionne bien aussi, je trouve. Après, toujours pareil, ce n’est pas pour des gros publics, donc là, le poche, il a un tout petit hall, mais on arrive à tenir parce que la salle est d'une centaine de places, donc les gens ne rentrent pas tous en même temps à l'avance.
Ça passe. Et ici, ben, c'est le vieux théâtre.
Ben... Il aurait besoin d'un rafraîchissement, mais, Moi, je regrette ce qui...
Mais bon, c'est un truc, finalement, c'est fini. Certaines rénovations, plus ou moins, un autre goût de maintenant que je trouve plus ou moins réussie. Par exemple, ici, ça devait vraiment être un théâtre à l'italienne, à l'ancienne, avec des baignoires et tout, bon, ils ont voulu tout...
Elle a une très bonne acoustique, cette salle, donc ça, c'est lié à certaines rénovations, donc il y a le pour et le contre. Mais il y a le côté vieux théâtre, comme il existe, Charles Dullin à Chambéry, qui est perdu. Et du coup, la façade, par exemple, quand on est sur la place, pour moi, ça fait un peu stalinien, quoi, c'est...
Ce n’est pas... Enfin, je pense qu’il y a eu des restaurations un peu malheureuses, parce que, du coup, on a perdu l'identité du théâtre, je trouve. Mais à l'intérieur, quand on est à l'intérieur, on sent bien qu'on est dans un théâtre. Et puis nous, quand on passe dans tous les dessous de scènes, de partout, là, c'est vraiment un bonheur, parce qu'on sent qu'il y a encore les dessous de scènes, la possibilité qu'on avait avant, c'est très haut. On pouvait faire monter, descendre des toiles peintes, faire des... Il y a des chariots roulants, ça a été très bien utilisé par Emeline, ça, pour ouvrir les trappes. Elle a fait fonctionner tous les dessous, qui nefonctionnent pratiquement plus maintenant, parce que, bon, le théâtre a évolué dans un autre sens, quand on voit des grosses scènes modernes, ils veulent...
Enfin, on en revient, mais bon, il y a eu une époque où, par exemple, l'Hexagone, avant, c'était une espèce de théâtre en rond, avec des gens qui allaient presque comme un... Comme une arène, un peu, qui était un peu tout... D'où l'Hexagone, aussi, la forme.
Et puis, à un moment donné, dans les années 90, tout a été cassé, on a remis du frontal, parce qu'à ce moment-là, on ne voulait plus que du frontal. Maintenant, on veut remettre des gens sur scène, donc on veut remettre du public, un peu, tout autour. Mais, euh...
Il y a des époques comme ça, en fait. Et c'est vrai que les anciennes salles...
Enfin, moi, je dis, c'est dommage de casser, il faudrait pratiquement qu'il y ait des nouvelles choses, quand on veut vraiment changer les choses, plutôt que de casser. Parce qu’avec le recul, on se dit, mais en fait, c'est un éternel recommencement, c'est un peu comme beaucoup de choses.
Le théâtre Elisabéthain, c’est très en hauteur et tout autour d'une place, en fait. Bon, ça avait du sens, à un moment donné, avec un certain type de spectacle.
Après, on a voulu... Maintenant, ils ont cassé tous les... Enfin, beaucoup d'anciens théâtres comme ici, sont devenus...
Ils allaient faire du frontal. Bon, ça correspondait à un certain type de spectacle qui était voulu dans les années, on va dire 80, 90. Maintenant, on va revenir à vouloir mettre des spectacles dans des lieux insolites et on veut à nouveau qu'il y ait moins d'écart entre le public et la scène, puisqu'on veut remettre des gens sur scène, du public. Donc, une certaine proximité qui revient.
Voilà. Tout ça, ça change tout le temps. Et les bâtiments ne peuvent pas toujours s'adapter à tous ces changements parce que...
C'est comme nous, on essaie d'expliquer des fois que la matière résiste. La matière résiste.
On ne peut pas tout... Tout transformer, retransformer, et...
Même le textile, le vêtement, la matière souple. Du coup, on peut revenir à pourquoi on est tant en amont des créations et du coup, pas dans le même temps qu'un éclairagiste parce que...
Eh bien, nous, on a affaire à la fabrication, à la matière, au fait qu'il faut coudre. Alors que je ne dis pas que le travail d'éclairagiste, ce n'est pas... Ou de tout ce qui est technicien qui sont sur scène n'est pas prenant.
Ils font souvent beaucoup d'heures sur peu de temps. Mais... En fait, ils déplacent un projecteur, ils changent un filtre et ça change tout.
Ça peut se faire en quelques heures. Refaire un costume, ça ne va pas prendre quelques heures.
Ya : Il faut tout défaire pour garder un maximum.
Yo : Oui. Ou alors, il faut racheter le tissu.
C'est quand je dis la matière résiste. La matière résiste. Et souvent, c'est là-dessus que...
Et alors, quand on parle de bâtiment, c'est encore une autre histoire.
Ya : OK. Maintenant qu'on a un petit peu fait... Pendant un bon moment, je me suis posée plein de questions.
Comment vous imaginez l’avenir de cet atelier, des costumes, peut-être du théâtre, peut-être même du travail de chef d'atelier, de couturière, de façon générale, avec votre expérience ce que vous avez vue, chacune ? C'est une question large évidemment.
Yo : C'est très difficile. Je n'ai pas de boule de cristal...
Ya : Non, non, mais évidemment. Evidemment.
Yo : Donc... La culture est liée aux politiques.
Du coup, quelles vont être les inflexions politiques qui... Les inflexions politiques sont données par la population. Qu'est-ce que la population va vouloir en matière de spectacle vivant dans les 10, 15 années ? Je ne peux pas... Je ne peux pas le savoir.
Je peux juste constater de ce qui se passe maintenant. Après, je pense qu'il y aura toujours du spectacle vivant.
Même s'il y a beaucoup de choses, beaucoup de choses sur l'ordinateur maintenant, sur l'image, machin. Parce qu'on sait... Il y a quelque chose de très différent par rapport à l'enregistré.
Le spectacle vivant, il se fait au moment où ça se joue. Et en fait, le même spectacle vu aujourd'hui, demain, après-demain, c'est vraiment ce que je vous ai expliqué avec La Pendue. C'est que le spectacle évolue encore plus dans certaines compagnies.
Ils font vraiment, vraiment évoluer les spectacles. On entend des fois des comédiens parler à la radio et dire, ce soir, ce n'était pas terrible.
En fait, c'est le même texte. C'est le même déplacement. C'est le même costume.
C'est la même lumière. C'est le même décor. Mais l'intention à l'intérieur, elle n'était pas la même.
La réponse du public n'était pas la même. Et donc, ce n'est pas le même spectacle. Je pense que le lien aussi, le fait d'être ensemble à regarder quelque chose qui se passe en vrai, en ce moment, et qui ne se repassera pas, on ne repasse pas les plats.
Ça ne repassera pas demain, après demain. C'est aussi ce qui fait le prix du concert live par rapport au disque. C'est le fait d'être ensemble à regarder quelque chose et avoir cette espèce d'émotion collective et je ne pense pas que l'humain se passera complètement de ça.
C'est en ça que je dis qu'il y aura toujours. Je ne sais pas si ça existait chez les préhistoriques. On sait que le théâtre existait en Antiquité.
Moi, Je dis que ça existera toujours. Après, les formes vont changer. Tout ça, ça peut changer.
Les textes changent. Heureusement.
Ya : Il y a une phrase que vous voulez peut-être dire quelque chose. Justine, j'écoute.
J : C'était très complet.
C'est un peu difficile de voir ce qui peut advenir. Tout peut changer très vite comme ça peut prendre un peu plus de temps. Ça va vraiment dépendre des gens.
Ce qu'a expliqué Yolande, c'est une volonté. Nous, on n'est que le spectateur.
Ya : C'est vrai, vous venez de dire que la culture est très influencée par la politique.
Comment vous l'avez constaté ces dernières années dans un théâtre municipal ? Que la politique influence directement la manière dont vous travaillez, dont ça va se passer, dont on peut imaginer.
Yo : L'époque Guy Sisti, avec le théâtre privé parisien qui venait avec des têtes d'affiches et nous, aux ateliers qui fonctionnions avec la création locale assez séparés, je pense qu'il y avait une volonté politique qui correspond à une volonté d'une partie du public aussi de voir certains spectacles parce que « pourquoi est-ce qu'ils joueraient qu'à Paris ? Pourquoi il faudrait aller à Paris voir ces spectacles-là ? » Tout peut se comprendre.
Je n'ai pas d'a priori négatif sur quoi que ce soit. Du coup, ça a été une volonté de faire venir ces spectacles-là pour le public ici, pour qu'ils puissent bénéficier de spectacles et entendre parler à la radio quand il y a des interviews. Moi, j'aime beaucoup Le Masque et la Plume ou bien certaines émissions sur France Culture qui parlent beaucoup de spectacles et on entend toujours des interviews sur des spectacles qu'on ne verra jamais parce qu'ils sont majoritairement parisiens.
Des fois, ils passent un peu à la MC2 mais en fait, très peu. Donc, pourquoi pas ? Ça a son sens aussi que les gens veuillent le voir en province.
C'est quand même qu'encore c'est une distance. Par contre, la politique actuelle, c'est le théâtre municipal. Il est municipal donc payé par des subventions des Grenoblois et donc, ça doit être pour la culture locale.
Ça a du sens aussi. Ça a du sens aussi que les gens fabriquent leur culture sur place. C'était tout le phénomène de décentralisation.
Le théâtre de Jean Villard et tout ça, oui, c'était ça, moi, je dis que oui, c'est essentiel aussi que la culture, elle se fasse ici, dans chaque territoire, qu'il y ait des compagnies qui émergent et nous, ce qu'on aimerait toujours, c'est quand on voit une compagnie qui émerge, qu'après, elle grandisse et qu'elle parte partout. Enfin, qu'elle aille jouer un peu partout mais je pense qu'il n'y a pas de... Oui, c'est politique parce qu'il y a une volonté derrière mais le politique, il n'est pas tout seul. Les gens les lisent et c'est eux qui décident finalement de ce qu'ils veulent.
Donc, c'est pour ça que je dis c'est... En fait, dans la cité, tout est politique.
Quand on met en place un certain type de mairie, on va avoir un certain type de culture derrière. Les gens l'ont voulu donc après, c'est normal que ça se fasse comme la population le veut et donc, pour le moment, on est plus dans une époque de participatif et de volonté de faire ici soi-même.
Je pense qu'il y a quand même ça et ça, la population le porte quand même. On voit de plus en plus de Do It Yourself c'est partout, quoi. C'est partout.
Du coup, c'est vrai qu’attendre forcément la bonne parole, le spectacle parisien... Après, moi, ça ne veut pas dire qu'on n'ait pas envie de les voir aussi. C'est là-dessus que...
C'est compliqué.
Ya : Oui, il faut ouvrir.
Yo : Normalement, il faudrait un peu de tout.
Ya : Il faudrait s'élargir, oui, voilà.
Yo : Et ce n’est pas forcément les mêmes lieux qui vont porter toutes les cultures, parce que on ne peut pas tout faire. Et après un peu, c'est normal que certains artistes, par exemple la musique populaire et tout ça, la musique pop, ça passe dans des très, très grosses salles, parce qu'ils vont avoir, je ne sais pas, 5000 personnes.
Eh bien oui, ça va passer à, comment ça s'appelle là-bas, à Grand Place, à l'Alpexpo, enfin les grandes salles. Donc ça ne passera pas ici. Mais ça justifie.